3 QUESTIONS À... : FEVRIER 2015







1/ Pourquoi mesurer la polymédication et quelles définitions cette revue de littérature vous amène-t-elle à préciser ?

Tout d'abord, la polymédication est définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « l'administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou par l'administration d'un nombre excessif de médicaments » (WHO 2004). Elle concerne surtout les personnes âgées. La polymédication est dite « appropriée » quand une situation médicale complexe ou une polypathologie la justifient et lorsque les traitements prescrits respectent l'évidence scientifique et les recommandations. Elle pose en revanche problème en cas de prescription médicamenteuse inappropriée ou quand les médicaments ne procurent pas le bénéfice attendu. En tout état de cause, le vieillissement de la population et les risques pour la santé qui lui sont associés font de la polymédication un enjeu majeur, en termes de santé publique, de qualité des soins et d'efficience de la prescription.

A travers une revue de littérature, nous avons donc inventorié diverses définitions de la polymédication : simultanée – les médicaments sont administrés en même temps –, cumulative – somme de médicaments administrés sur une période de temps donnée, en général trois mois – et continue – médicaments pris de façon prolongée et régulière. Puis, nous avons exploré les seuils les plus féquemment utilisés à partir desquels la polymédication était reconnue (5 ou 10 médicaments ou plus) et, enfin, examiné pour chaque indicateur son champ d'application, ses modalités de construction, les bases de données utilisables, ses objectifs et la signification de ses résultats.

2/ Quels indicateurs doit-on utiliser et dans quelles circonstances ?

Nous avons testé cinq indicateurs, les plus fréquemment cités dans cette revue de la littérature sur la base de données de prescription Disease Analyzer d'IMS-Health afin de comparer la capacité des divers indicateurs à repérer la polymédication : trois relèvent de la polymédication simultanée, un de la polymédication cumulative et un dernier, retenu dans le cadre de l'évaluation Parcours santé des aînés (Paerpa), a trait à la polymédication continue. Si les prévalences de la polymédication varient selon les indicateurs et seuils utilisés, elles sont plus élevées avec les indicateurs de polymédication cumulative et continue qu'avec ceux de polymédication simultanée. L'indicateur de polymédication cumulative permet ainsi de repérer 95 % des situations de polymédication.

Au final, l'indicateur à retenir dépend avant tout de ce que l'on cherche à observer et à mesurer. Par exemple, s'il s'agit d'examiner les conséquences négatives pour un individu d'un excès de médicaments afin d'y remédier, les indicateurs cumulatifs semblent plus appropriés. Ils prennent effectivement en compte chaque médicament administré avec ses effets indésirables. Si l'intérêt se porte plutôt sur les interactions médicamenteuses du traitement d'un individu, les indicateurs de polymédication simultanée paraissent mieux adaptés. Si ce sont les charges thérapeutiques et financières pesant sur l'individu atteint de maladies chroniques qui retiennent l'attention, on utilisera plutôt les indicateurs de polymédication continue, qui permettent aussi de repérer les traitements de fond prescrits aux patients.

En fait, ces indicateurs sont complémentaires, utilisés conjointement, ils permettent d'avoir une vision plus large de l'utilisation des médicaments.

3/ Sur quelles bases de données s'appuyer pour analyser la polymédication ?

Les sources de données mobilisables pour mesurer la polymédication sont variées : à partir des dossiers médicaux, des registres pharmaceutiques, des données de remboursement, ou d'entretiens auprès des patients. Le mode de collecte détermine fortement les informations disponibles : prescription ou vente libre, posologie et durée, délivrance, remboursement.

Les sources de données disponibles déterminent fortement les indicateurs qu'il est possible de mobiliser. Ainsi, les indicateurs de polymédication simultanée nécessitent des informations sur la posologie et la durée du traitement, souvent difficiles à obtenir, et les indicateurs de polymédication continue demandent de plus longues durées d'observation.

Le plus souvent, seuls les médicaments sur prescription ou remboursés sont pris en compte, ce qui sous-estime la consommation pharmaceutique et mésestime les risques d'interactions.

Propos recueillis par Anne Evans

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