3 QUESTIONS A... : JUILLET 2015







1/ Quelles questions prévalaient à votre étude sur la généralisation de la complémentaire santé d'entreprise ?

Nous cherchions à mesurer l'impact à attendre de ce dispositif sur la réduction du taux de personnes sans complémentaire santé en France ainsi que sur les inégalités d'accès à une complémentaire sachant qu'il exclue les individus absents du marché du travail, c'est-à-dire les personnes les plus modestes ou les plus malades. En effet, le taux de non-couverture par une complémentaire santé qui, selon les données de l'Enquête santé et protection sociale (ESPS) 2012, est évalué à 5 % de la population française, concerne principalement les inactifs, les chômeurs et les personnes les plus précaires. Il s'agissait alors d'étudier dans quelle mesure ce dispositif permettrait ou non de réduire les inégalités de couverture par une complémentaire santé et d'améliorer l'accès à la complémentaire santé de ceux qui souhaiteraient être couverts sans contraindre ceux qui choisissent de ne pas l'être.

2/ Quels sont les hypothèses et les scénarios à partir desquels vous simulez les effets à attendre de l'Ani ?

Notre travail repose sur une simulation du statut assurantiel auquel feront face les individus de l'échantillon au 1er janvier 2016, compte tenu de leurs caractéristiques observées en 2012. Plus précisément, nous supposons que toutes les populations concernées directement ou indirectement par l'Accord national interprofessionnel (Ani) - au regard de leurs statuts d'emploi et familial actuels - disposeront d'une complémentaire santé. Nous supposons en revanche que les autres caractéristiques individuelles telles que le revenu, l'état de santé et la situation sur le marché du travail resteront inchangées. Trois scénarios sont envisagés. Le premier évalue l'impact de la généralisation de la complémentaire santé d'entreprise à tous les salariés du secteur privé sur la non-couverture en France. Le second considère en outre les chômeurs de courte durée anciennement salariés et indemnisés, qui peuvent continuer à bénéficier de la complémentaire santé de leur ancien employeur pendant au plus une année. Le troisième scénario intègre les conjoints et enfants des salariés et chômeurs concernés par l'Ani. En effet, bien que ce dispositif ne les concerne pas, la plupart des contrats collectifs leurs sont aujourd'hui proposés. Afin d'étudier dans quelle mesure la généralisation de la complémentaire santé d'entreprise pourrait même être remise en cause au sein de la population salariée, nous avons également considéré deux hypothèses relatives aux dispenses d'adhésion : la première suppose que toutes les personnes employées dans le cadre d'un contrat à durée déterminée (CDD) de moins de six mois refuseront d'adhérer à la complémentaire santé mise en place dans le cadre de l'Ani et la seconde considère que ce sont tous les salariés en contrat temporaire qui refuseront d'y adhérer.

3/ Quels principaux résultats obtenez-vous ?

Sous l'hypothèse d'une stabilité des caractéristiques individuelles autres que la complémentaire santé, nous montrons que le taux de personnes sans complémentaire santé, estimé à 5 % en 2012, passerait à 4 % après la généralisation de la complémentaire santé d'entreprise et à 3,7 % en tenant compte de la portabilité, et ce sous réserve que l'ensemble des personnes concernées acceptent la complémentaire proposée. Cependant, la non-couverture resterait toujours plus élevée pour les populations les plus fragiles, c'est-à-dire pour les chômeurs, les plus précaires et les plus malades. De plus, le taux de non-couverture pourrait s'établir à 1,4 % (versus 3,6 % en 2012) parmi les salariés du secteur privé si ceux disposant d'un contrat temporaire refusaient d'adhérer à ce dispositif. Cette mesure, qui devrait par ailleurs diminuer le lien entre la non-couverture et les préférences à l'égard du temps et du risque, risque donc de contrarier la non-couverture par choix sans pour autant éliminer la non-couverture pour raisons financières.

Propos recueillis par Anne Evans

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