3 QUESTIONS À... SEPTEMBRE 2016







1/ Quels sont les nouveaux apports de cette étude sur les restes à charge ?

Plusieurs travaux ont déjà exploré les inégalités financières occasionnées par les restes à charge de l'Assurance maladie obligatoire avant remboursement par les assureurs complémentaires. Ils ont mis en évidence deux aspects : de fortes disparités des coûts laissés à la charge des patients malgré le dispositif des Affections de longue durée (ALD) et une charge financière d'autant plus importante que le niveau de vie est faible. La spécificité de cette étude réside dans l'analyse de la contribution des différents types de restes à charge aux inégalités selon le niveau de vie, à savoir les tickets modérateurs, les dépassements d'honoraires, les franchises et, pour les soins hospitaliers, le forfait journalier. Par ailleurs, les inégalités de restes à charge en ambulatoire et à l'hôpital en médecine chirurgie obstétrique (MCO) sont étudiées séparément, ce qui permet de mieux comprendre la manière dont elles se créent.

2/ Qu'est-ce qui pèse le plus sur les restes à charge des plus pauvres ?

Le résultat le plus marquant de cette étude concerne les restes à charge hospitaliers, qui apparaissent particulièrement inéquitables. On pourrait se féliciter qu'au niveau macro-économique, ces restes à charge hospitaliers demeurent modestes, mais ils sont très inégalement répartis au sein de la population ayant connu au moins une hospitalisation dans l'année, en raison de règles d'exonération peu cohérentes. Ainsi, les personnes exposées à de longs séjours en médecine dans les hôpitaux publics sont exposées à un risque de reste à charge élevé. L'apport principal de l'étude, qui croise les données de consommation de soins avec les données d'enquête, est de mettre en évidence que ces personnes qui font face à un risque de reste à charge hospitalier élevé appartiennent plus fréquemment aux catégories modestes de la population. Cela contribue à rendre les restes à charge hospitaliers, et en premier lieu le ticket modérateur hospitalier, particulièrement inéquitables. Heureusement, les contrats responsables prévoient désormais la prise en charge intégrale du ticket modérateur et du forfait journalier à l'hôpital, mais cette prise en charge ne concerne pas les 5 % de la population dépourvus d'assurance complémentaire…

3/ Quelles sont les limites de ce travail et vos perspectives de recherche dans ce domaine ?

Les limites du travail effectué portent sur le champ des soins qui n'intègre pas toutes les hospitalisations en se limitant aux séjours en MCO. Or, les durées de séjour en psychiatrie ou en soins de suite et de réadaptation (SSR) peuvent atteindre des niveaux élevés qui peuvent occasionner de fortes disparités financières. L'autre limite est que l'étude s'intéresse uniquement aux restes à charge de soins effectivement consommés, ce qui ne permet pas de tenir compte des renoncements aux soins, notamment pour raisons financières. Ainsi, il est probable que ce type d'approche sous-estime l'inéquité dans la distribution des restes à charge, et il est important de compléter ces travaux par des études sur le renoncement aux soins, comme l'Irdes le fait régulièrement.
Une autre perspective de recherche consisterait à approfondir l'analyse des inégalités de restes à charge selon l'âge, la santé et le territoire et à analyser la contribution de ces dimensions aux inégalités sociales. Le préalable pour mener ce type de travaux est de progresser dans les appariements de bases de données. Enfin, pour disposer d'une vision plus complète des inégalités financières liées aux coûts des soins, il faudrait prolonger cette étude par une analyse similaire sur les restes à charge laissés par l'assurance maladie complémentaire, ce qui sera possible à moyen terme dans le cadre du Système national des données de santé (SNDS) prévu par la loi de modernisation de notre système de santé.


Propos recueillis par Anne Evans

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