3 QUESTIONS À...


1/ Pourquoi une étude sur les urgences et avec quel objectif ?

Les services d'urgence ont vocation à traiter les situations médicales d'urgence. Or l'augmen'tation régulière du recours aux urgences au cours des dernières années est une source de pression dans ces services, et interroge, dans de nombreux pays, sur le recours adéquat aux services d'urgence. En France, le nombre de passages aux urgences a augmenté de plus de 50 % entre 2000 et 2015 et, d'après l'enquête nationale sur les urgences, deux tiers des patients interrogés déclarent un motif de recours lié à l'accessibilité des urgences en termes de proximité géographique, de plateau technique, d'horaires ou de gratuité, ou encore de difficulté à trouver une réponse au sein de l'offre libérale. Dans la plupart des pays, un taux élevé de passages aux urgences non suivis d'une hospitalisation est considéré comme un signe de l'inefficacité du système de santé à fournir et coordonner des soins de premiers recours accessibles à tous. Dans ce contexte et dans le cadre de nos recherches sur le parcours de soins des personnes âgées, notre étude vise à fournir des éléments nouveaux pour comprendre les déterminants territoriaux du recours aux urgences non suivi d'hospitalisation des personnes âgées de 65 ans et plus. Plus spécifiquement, nous tentons d'établir le rôle de la configuration des soins primaires au niveau d'un territoire sur les passages aux urgences non suivis d'une hospitalisation tout en contrôlant simultanément l'effet des caractéristiques des populations locales.

2/ Quels principaux déterminants de recours aux urgences observez-vous ?

Tout d'abord, nos résultats montrent que le taux de recours aux urgences non suivi d'hospitalisation varie en fonction de l'état de santé de la population et de la situation socio-économique de la commune. Ainsi, les communes caractérisées par des taux de mortalité plus élevés, une population plus âgée et plus malade (mesurée par la proportion de personnes âgées en Affection de longue durée (ALD)) ont des taux de recours aux urgences plus élevés. De plus, toutes choses égales par ailleurs, le taux de recours aux urgences est plus faible dans les communes où le revenu médian est plus élevé.

Par ailleurs, à état de santé et niveau social de la commune contrôlés, le taux de recours aux urgences des personnes âgées de 65 ans et plus est significativement plus faible dans les territoires où l'accessibilité aux soins primaires est facilitée par la disponibilité des professionnels de santé comme les médecins généralistes et les infirmiers libéraux. Nos résultats mettent ainsi en évidence que l'accessibilité aux professionnels de soins primaires est importante pour réduire les recours aux urgences. La présence des structures de prise en charge des soins infirmiers (SSIAD), de la permanence de soins et des visites à domicile par les médecins généralistes sont aussi des facteurs significativement associés à un plus faible recours aux urgences des personnes âgées. Et pour finir, la proximité et la capacité d'accueil des services d'urgence sont des déterminants majeurs de l'utilisation de ces services.

3/ Quelles pourraient être les pistes d'amélioration de l'accès aux soins, en particulier des plus âgés ?

Nos résultats interrogent effectivement sur l'accessibilité des services de soins primaires, de spécialistes et, plus largement, sur l'efficience du système de soins. D'une part, il faut assurer la continuité et la coordination des soins de premiers recours, et d'autre part, il semble nécessaire de s'interroger sur l'accessibilité géographique et financière à la médecine spécialisée. On pourrait imaginer et investir dans de nouvelles structures plus flexibles et pluridisciplinaires. On pourrait également s'appuyer - avec des modalités de financements à faire évoluer - sur des structures existantes ayant pour mission de dispenser les soins primaires afin d'assurer la continuité et la coordination des soins entre professionnels de santé des secteurs ambulatoires hospitalier et médico-social. La télémédecine peut aussi être une solution pour l'accès à des avis de spécialistes. Les personnes âgées souffrant souvent de polypathologies chroniques, il s'agit également d'éviter les ruptures de soins. Pour ce faire, les soins primaires devraient être renforcés au niveau local, peut-être en redéfinissant le rôle des acteurs sanitaires et sociaux intervenant au domicile et en développant des outils informatiques pour mieux partager l'information et mieux suivre les patients.

Propos recueillis par Anne Evans