3 QUESTIONS À...


1/ Comment s'est développé le dispositif Asalée de coopération entre patients, médecins et infirmières ?

En 2004, en Poitou-Charentes, quelques médecins ont voulu tester l'idée selon laquelle une infirmière, exerçant sur leur lieu de travail, pouvait contribuer à améliorer la qualité de la prise en charge des patients, en donnant à ces derniers du temps pour exprimer leurs besoins et être accompagnés dans leur vie avec une maladie chronique ou un facteur de risque. L'association Asalée, créée après une première année d'expérimentation portée par l'Union régionale des médecins libéraux, a obtenu le soutien des pouvoirs publics pour développer ce dispositif tout d'abord au niveau départemental, puis dans quatre régions et enfin au niveau national.
Les infirmières ont progressivement construit leur activité, centrée sur la prévention, le dépistage et l'éducation thérapeutique. Des « délégations de tâches » s'effectuent dans le cadre de protocoles validés par la Haute Autorité de santé autour de quatre pathologies : diabète, risque cardiovasculaire, bronchopneumopathie chronique obstructive et troubles cognitifs. La croissance du dispositif s'est accompagnée d'une structuration à partir de ce qui s'inventait localement pour faciliter le travail entre patients, infirmières et médecins : formation et compagnonnage des infirmières, réunions régulières entre infirmières d'un même secteur, temps de concertation rémunérés entre médecin et infirmière, système d'information permettant le suivi de l'activité, etc.

2/ Quelles principales transformations des pratiques y sont à l'œuvre ?

Les patients trouvent auprès de leur médecin et de l'infirmière Asalée un espace leur permettant d'apprendre et d'être soutenus dans la gestion de leur santé au quotidien. Les pratiques de l'infirmière et du médecin se construisent dans l'interaction entre eux et avec chaque patient. Grâce à cet exercice en binôme, certains médecins et infirmières indiquent la possibilité d'un agencement nouveau de leurs tâches respectives. Ils disent que ce travail en binôme les rend capables de mieux organiser le dépistage, l'éducation thérapeutique et le suivi de leurs patients, et d'inventer des réponses personnalisées à des besoins jusque-là non couverts : par exemple, accompagner les patients dans un sevrage tabagique ou vers une reprise d'activité physique. On peut ainsi observer un double déplacement de l'offre de soins faite aux patients : d'une offre prescriptive vers une offre éducative faite de manière proactive, et ne s'intéressant pas seulement à la maladie mais aussi à la santé ; et d'une pratique soignante individuelle vers un travail d'équipe pluriprofessionnel.

3/ Quels prolongements à cette étude envisagez-vous ?

Ce Questions d'économie de la santé est le premier d'une série portant sur le dispositif Asalée. Ils présenteront tout d'abord une typologie de la coopération construite à partir d'une enquête déclarative auprès des médecins et des infirmières, puis des évaluations d'impact du dispositif sur l'activité des médecins, ainsi que sur le suivi et sur le parcours de soins des patients.
Au plan qualitatif, nous approfondirons, dans de prochaines publications, l'analyse du travail qui sous-tend le développement de pratiques coopératives médecin-infirmière-patient, ainsi que l'étude des pratiques avancées infirmières qui s'expérimentent dans le dispositif Asalée.
Dans un avenir proche, il nous paraît important de développer des recherches qualitatives, d'une part sur l'expérience des patients, et d'autre part sur l'équité d'accès à ce dispositif : permet-il à des patients a priori éloignés du système de soins d'accéder à une écoute et une éducation, et dans ces situations, comment le dispositif Asalée s'articule-t-il avec les autres ressources disponibles ?

Propos recueillis par Anne Evans