3 QUESTIONS A... : AVRIL 2015







1/ Quels sont les apports nouveaux de votre étude concernant la durée des arrêts maladie ?

L'objectif de notre étude était d'évaluer l'impact des différents niveaux d'indemnisation sur l'occurrence et la durée des arrêts maladie à partir d'une analyse empirique. Si le coût de ces arrêts est important pour l'Assurance maladie (6,2 milliards d'euros en 2012 contre 5,4 milliards en 2007), l'indemnisation des arrêts et son impact sur l'offre de travail des salariés sont un enjeu majeur de politique publique en termes d'équité et d'efficience. Comparativement aux études antérieures, notre apport est double. D'abord, nous apportons une information inédite sur un segment important de l'indemnisation, l'indemnisation complémentaire assurée par l'employeur au titre de la convention collective dont il dépend. Outre que ce niveau modifie fortement l'indemnisation de base effectuée par l'Assurance maladie, nous montrons qu'il induit de grandes disparités de prises en charge entre les salariés. Ensuite, grâce à l'analyse précise des textes des principales conventions collectives, qui couvrent 60 % des salariés, nous décrivons la variation du taux d'indemnisation jour par jour au cours de chaque arrêt. Les différentes conventions collectives proposent des garanties très diverses pour les 10 premiers jours d'arrêt. Sur cette période, la variabilité tient presque exclusivement au délai de carence Nous montrons ainsi que ce profil d'indemnisation joue sur la probabilité d'interrompre l'arrêt et, en définitive, sur sa durée et le nombre de jours total d'arrêt sur l'année.

2/ Comment avez-vous mis en œuvre cette recherche empirique ? Quelle méthode avez-vous employée ?

Comme nous venons de l'évoquer, nous utilisons dans cette étude une description très fine des paramètres d'indemnisation relatifs aux 46 conventions collectives les plus représentatives ainsi que la base Hygie, couvrant environ 60 % des salariés du secteur privé. Cette base de données micro-économiques très riche fournit non seulement des informations sur ces paramètres d'indemnisation conventionnels mais également le détail des dates de début et de fin de chaque arrêt. Ces derniers éléments n'avaient jusqu'alors jamais été mobilisés dans l'étude de la durée des arrêts maladie. A partir de l'ensemble de ces données, les estimations empiriques permettent d'étudier l'impact des différents niveaux d'indemnisations complémentaires sur la fréquence des arrêts grâce à un modèle logit à effets fixes, le nombre de jours d'arrêt par an avec un modèle binomial négatif à effets fixes, et la durée d'arrêt maladie à partir d'un modèle de durée à hasard proportionnel constant par morceaux.
Notons que les modèles estimés ici mesurent des différences de comportement liés à l'indemnisation sans pour autant prendre en compte les conséquences de la durée de ces arrêts sur l'état de santé des salariés.

3/ Quels sont vos principaux résultats ?

Nous avons montré que la présence d'une convention collective à laquelle est rattachée l'entreprise a un effet positif sur la probabilité d'avoir un arrêt maladie dans l'année, sur le nombre de jours d'absence et sur la longueur des arrêts. Cet effet est très variable selon la générosité de la convention collective en termes de prise en charge des indemnités journalières. Par exemple, une augmentation du taux de remplacement de 1 % pendant le délai de carence (trois premiers jours d'absence en arrêt maladie) réduit le taux de sortie de l'arrêt maladie de 5 % et allonge donc sa durée. Les taux de remplacement par sous-périodes ont également un effet globalement positif même s'ils sont très disparates selon les conventions collectives. Certaines d'entre elles sont effectivement généreuses longtemps après un délai de carence tandis que d‘autres n'ont pas de délai de carence mais sont moins longtemps généreuses. Les salariés bien couverts semblent moins hésiter que les autres à prendre des arrêts courts, ce qui suggère que les salariés moins bien couverts qui y renoncent sont susceptibles de générer un coût retardé plus important en devant prendre des arrêts plus longs. Il apparaît enfin que les effets trouvés sont plus marqués pour les non-cadres que pour les cadres. Pour les cadres, le taux de remplacement moyen a un effet beaucoup moins significatif sur la durée d'arrêt maladie. En effet, un point supplémentaire sur le taux de remplacement moyen diminue la probabilité du taux de sortie de l'arrêt maladie de 0,4 % pour un cadre.

Propos recueillis par Anne Evans

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