3 QUESTIONS À...


1/ Comment et pourquoi avez-vous réalisé cette nouvelle étude ?

L'impact sur la santé mentale de la pandémie de Covid-19 et du premier confinement a été objectivé en France par des enquêtes en population générale qui ont souligné le sur-risque de survenue de détresse psychologique chez les personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap (voir notamment Gandré et al., 2020). Néanmoins, les données issues de telles enquêtes ne permettent pas d'étudier avec précision la situation de ces populations à besoins spécifiques, du fait de leurs faibles effectifs parmi les répondants. Afin de pallier ce manque d'informations et de mieux comprendre les mécanismes impliqués, nous avons décidé de mener une recherche dédiée à ces personnes en recourant à une enquête par internet diffusée par un réseau social et des associations de personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap.

2/ Les facteurs de vulnérabilité à la survenue de détresse psychologique pendant le premier confinement lié à la Covid-19 diffèrent-ils entre les personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap et la population générale ?

Nos résultats identifient des facteurs de vulnérabilité communs entre les personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap et la population générale : des liens sociaux faibles en termes de soutien social perçu et de solitude ressentie, une augmentation du temps passé sur les réseaux sociaux et, plus généralement, la modification des activités de loisirs habituelles. La dégradation des ressources financières du foyer au cours du confinement est également un facteur de risque de survenue de détresse psychologique chez les personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap, même si elles sont moins nombreuses à en faire l'expérience que la population générale : maintien des pensions de retraite, des aides sociales dédiées, moindre représentation dans les statuts professionnels dont les revenus ont pu être les plus fortement impactés par le confinement. Par ailleurs, on note un fort impact sur la survenue de détresse psychologique de problématiques propres aux personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap, comme les difficultés à appliquer les mesures sanitaires, le fait de penser ne pas être pris en charge comme les autres en cas d'infection par la Covid-19 et l'arrêt ou la diminution du suivi médical ou médico-social habituel.

3/ Quels enseignements tirer de cette étude pour mieux répondre aux besoins de cette population ?

Malgré la richesse de la littérature sur les conséquences du confinement sur la santé mentale des populations, très peu d'études se sont spécifiquement intéressées aux personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap. Nos résultats soulignent l'importance de prendre en compte leurs besoins spécifiques dans le cadre de la potentielle réitération de mesures de confinement, d'autant que l'impact de la plupart des facteurs de vulnérabilité à la survenue de détresse psychologique qui leur sont propres semble pouvoir être modéré par des politiques adaptées. Notre étude souligne en particulier la nécessité d'encourager et de faciliter la prise en charge précoce de toute détresse psychologique chez les personnes vivant avec une maladie chronique ou un handicap, de leur permettre d'adapter les mesures sanitaires à leurs spécificités, de maintenir leur suivi médical et médico-social habituel et de renforcer la communication sur la garantie et la nécessité d'une prise en charge équitable en cas d'infection par la Covid-19. Notons que certains éléments protecteurs semblent d'ores et déjà avoir été pris en compte dans le cadre du second confinement, mis en place en novembre et décembre 2020, avec notamment des règles assouplies pour les personnes à besoins spécifiques, et une attention particulière portée au maintien du suivi médical et médico-social usuel de ces personnes. Néanmoins, des conséquences à plus long terme de la crise sanitaire sur leur état de santé psychique et général, non encore observables au moment de cette étude, sont également à craindre.