Profils de consommation de soins et couverture complémentaire des bénéficiaires de l'Allocation aux adultes handicapés (AAH)

Pichetti S., Espagnacq M. (Irdes)

Questions d'économie de la santé n° 271 - Septembre 2022



QES n° 271
2022/09





RÉSUMÉ
L'Allocation aux adultes handicapés (AAH), minimum social qui assure un revenu de 956 € par mois aux personnes en situation de handicap âgées de plus de 20 ans, compte 1,2 million de bénéficiaires en France. Moins couvertes que la population française (96 %), 87 % de ces personnes ont une complémentaire santé en 2018, mais seulement 11 % en disposent par la Couverture maladie universelle (CMU), et 13 % par l'Aide à la complémentaire santé (ACS) [Cabannes, 2022].
Depuis 2019, la Complémentaire santé solidaire (CSS) a pris le relais de ces dispositifs afin d'accroître la diffusion de la couverture publique et compte tenu de leurs ressources, les bénéficiaires de l'AAH sont le plus souvent éligibles à la CSS avec participation financière. Pour autant, le non-recours persiste. Pour identifier les caractéristiques des personnes ne profitant pas du bénéfice de cette couverture, cette étude se focalise sur la population exhaustive des 35 000 bénéficiaires de l'AAH restés dans le dispositif entre 2014 et 2018 sans jamais bénéficier d'aucune couverture complémentaire. Si cette population ne représente que 3 % de l'ensemble des bénéficiaires de l'AAH, elle a des spécificités et est potentiellement exposée à un risque de reste à charge important.
Une typologie sur les dépenses de santé de ces bénéficiaires sans complémentaire santé a été réalisée pour caractériser leurs profils de consommations de soins. Les restes à charge réels sont comparés à ceux simulés avec une prise en charge par la CSS. Selon les profils, la proportion des personnes pour lesquelles le reste à charge serait inférieur à la participation financière liée à l'adhésion de la CSS varie fortement. Les bénéficiaires de l'AAH sans complémentaire sont très souvent bénéficiaires d'une Affection de longue durée (ALD), ce qui atténue l'intérêt d'une couverture. Par ailleurs, ceux qui ont besoin de dispositifs techniques spécifiques voient leurs besoins mal pris en charge par la CSS, qui ne couvre pas les dépassements de tarifs en dehors du périmètre du 100 % santé. Au total, seules les personnes qui connaissent des épisodes d'hospitalisation, notamment en psychiatrie compte tenu de la durée des séjours, auraient un intérêt évident à payer une participation financière pour bénéficier de la CSS et couvrir les restes à charge hospitaliers. Améliorer via la CSS la couverture des besoins spécifiques des bénéficiaires de l'AAH revêt alors un enjeu majeur pour inciter les bénéficiaires à y accéder malgré la participation financière plutôt que de souscrire des assurances individuelles qui pourraient mieux répondre aux besoins spécifiques mais à un coût bien supérieur. Cela permettrait aussi de limiter la proportion de bénéficiaires de l'AAH aujourd'hui sans assurance complémentaire et qui peuvent donc avoir un accès aux soins freiné par leurs ressources financières limitées.

Voir aussi Questions d'économie de la santé n° 271 en anglais : The Healthcare Consumption Profiles and Complementary Health Insurance of the Beneficiaries of the Disabled Adult Allowance (AAH)