3 questions à... Jonas Poucineau, à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 297 intitulé : « Conséquences de la pandémie de Covid-19 sur la mortalité de patients atteints de maladies respiratoires : le cas de la bronchopneumopathie chronique obstructive et du cancer du poumon »
Avril 2025
Dans le contexte de la pandémie, les personnes souffrant de pathologies respiratoires ont pu, en raison de leur vulnérabilité et de la nécessité d'un suivi médical régulier, être plus affectées que les autres par la réorganisation du système de soins nécessaire à la prise en charge des cas graves de Covid-19. Nous avons cherché à étudier, à partir des données médico-administratives du Système national des données de santé (SNDS), les effets de la pandémie sur la mortalité des patients atteints de deux pathologies pulmonaires : la Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et le cancer du poumon. Il s'agit de la première recherche traitant à l'échelle nationale de l'impact de la pandémie sur ces deux pathologies.
Notons que l'impact « direct » est défini comme l'effet des infections par Covid-19 sur la santé ou la mortalité des individus, et l'impact « indirect » comme l'effet de la réorganisation des soins, ainsi que des mesures sanitaires mises en place par les pouvoirs publics.
Chez les personnes avec une BPCO, on constate une forte vulnérabilité au Sars-CoV-2, leur taux de décès par Covid-19 étant deux fois plus élevé que la population du même sexe, âge et lieu de vie sans BPCO. Cependant, on observe dans le même temps une baisse des décès hors Covid-19, qui traduit probablement un effet protecteur des mesures sanitaires. Pour les patients atteints de cancer du poumon, on note une légère surmortalité pour ceux qui ont été diagnostiqués pendant la première vague, cette surmortalité étant probablement due à des retards de diagnostic liés à la surcharge des hôpitaux. En outre, un certain nombre de personnes sont probablement décédées avant même d'avoir été diagnostiquées, ce qui reflète leur vulnérabilité au Covid-19 et les effets probables des restrictions d'accès aux soins pendant la première vague.
Nos résultats montrent en premier lieu la vulnérabilité au Covid-19, à la fois pour les patients atteints de BPCO et pour ceux atteints de cancer du poumon. Ce constat plaide en faveur de la mise en place, en cas d'épidémies respiratoires, de mesures préventives ciblées pour les personnes à risque, notamment les fumeurs ou anciens fumeurs de plus de 60 ans. L'effet protecteur probable des mesures sanitaires, que nous avons constaté pour les patients atteints de BPCO, encourage à étendre ces mesures au-delà du contexte pandémique. Cela permettrait de mieux se protéger des infections respiratoires virales, et par conséquent de limiter le risque d'exacerbation des symptômes. S'agissant du cancer du poumon, les effets délétères des possibles retards au diagnostic ou au traitement, que nous avons pu observer lors de la première vague de la pandémie, appellent à maintenir autant que possible la prise en charge médicale, même en cas de crise sanitaire.