3 QUESTIONS À...


1/ En quoi consiste le Programme d'actions pour une retraite indépendante (Pari) et quel est l'objectif de votre étude ?

Le Programme d'actions pour une retraite indépendante (Pari) a été lancé par le Régime social des indépendants (ex-RSI) en 2015, dans une logique de prévention de la perte d'autonomie des travailleurs indépendants, artisans et commerçants âgés de 60 à 79 ans. L'objectif était de favoriser le recours à différentes aides sociales des assurés du RSI, et de répondre à leurs besoins spécifiques puisque les travailleurs indépendants ont généralement une demande de soins irrégulière, peu axée sur la détection précoce des risques et la prévention, ce qui peut avoir des conséquences moins bénéfiques sur la santé que des soins réguliers tout au long de la vie. Le passage à la retraite est donc un moment clé pour les travailleurs indépendants, et l'occasion de répondre à leurs besoins de santé.

Notre étude a consisté à évaluer l'impact du programme Pari sur le recours aux soins ambulatoires et le montant total des soins consommés. Ce programme, qui a été expérimenté dans une dizaine de caisses régionales du RSI, s'est appuyé sur une triple démarche : « ciblée », pour identifier les personnes les plus à risque ; « proactive », en sollicitant les personnes pour répondre à un auto-questionnaire portant sur leur situation économique, sociale et leur état de santé ; et enfin, « globale », en proposant une prestation adaptée à partir d'un panier complet d'aides sociales légales et propres au RSI.

2/ Quels sont les effets du programme Pari sur le recours aux soins ambulatoires des travailleurs indépendants ?

En comparant l'évolution des dépenses de soins ambulatoires avant et après la mise en œuvre de Pari entre les régions expérimentatrices et les autres, les résultats indiquent que les aides sociales permettent d'augmenter le recours aux soins, c'est-à-dire que pour le groupe des traités, la probabilité de recourir aux soins dans l'année augmente. Le programme a montré également un effet levier du médecin généraliste qui, lors des visites médicales, peut modifier le montant et le type de soins ambulatoires consommés - à la fois plus de matériel médical et de pharmacie, potentiellement liés à la prévention et à la compensation de la perte d'autonomie. Grâce au programme Pari, les médecins généralistes ont ainsi pu jouer un rôle bénéfique dans le suivi des personnes chez qui des fragilités et des maladies chroniques avaient été identifiées. Finalement, les résultats confirment l'hypothèse selon laquelle les aides sociales permettent de rendre les soins plus abordables par le biais d'un effet prix qui réduit ou annule la participation financière des assurés et par un effet revenu des aides financières. Il apparaît également que le design du programme encourage la consommation de soins, notamment à travers l'initiative d'« aller-vers », mais celle-ci est plus efficace lorsqu'elle est associée à une offre personnalisée.

3/ Quels sont les principaux enseignements de cette évaluation en termes de politiques de santé publique ?

Cette évaluation a permis de déterminer quels mécanismes et incitations pouvaient être mis en place pour modifier les comportements de santé des travailleurs indépendants âgés et vulnérables afin qu'ils recourent plus régulièrement au système de santé. Les approches combinant à la fois ciblage, « aller-vers » et individualisation de l'offre semblent être des exemples prometteurs parmi les programmes de prévention de la perte d'autonomie tels qu'envisagés dans le cadre de la loi relative à l'Adaptation de la société au vieillissement (ASV) de 2016. L'aspect novateur réside aussi dans la collaboration entre différents acteurs des domaines sanitaires et sociaux. Le RSI, qui a été intégré au Régime général en 2020, avait la particularité d'être fondé sur le principe de guichet social unique, c'est-à-dire qu'il centralisait en un seul et même organisme les cotisations et contributions liées à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès, retraite, etc. Il s'agit d'une configuration qui permet de répondre globalement aux besoins spécifiques de chaque individu, ici les travailleurs indépendants, et qui pourrait être généralisée à la population dans son ensemble.

Aujourd'hui, l'Assurance maladie développe des démarches d'« aller-vers » pour ses bénéficiaires, telles que les Missions accompagnement santé (Misas), ce qui ouvre la possibilité de nouvelles évaluations pour corroborer les connaissances acquises de l'expérience Pari. Celle-ci montre la nécessité de croiser les données en provenance des services sanitaires et sociaux pour construire des politiques de santé publique efficaces.