3 questions à... Anne Penneau et Zeynep Or, à l'occasion de la parution du Document de travail n° 92 intitulé : « Mesurer la qualité des Etablissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : exemple de quatre indices de qualité »
Janvier 2025
La qualité des soins est définie comme la capacité qu'ont les services de santé destinés aux individus et aux populations d'augmenter la probabilité d'obtenir les résultats souhaités. Les soins médico-sociaux couvrent un large éventail de services, fournis sur une période prolongée à des personnes ayant des maladies chroniques et des limitations fonctionnelles. Les soins prodigués en Ehpad visent à maintenir ou à améliorer l'état de santé des personnes âgées fragiles, réduire le déclin cognitif et la perte d'autonomie, mais surtout à améliorer leur qualité de vie au quotidien. L'incapacité fonctionnelle de l'individu est la principale raison du recours aux Ehpad qui constituent également le foyer de la personne, son logement. Ces établissements doivent offrir des services sur mesure pour répondre aux besoins des résidents, qui évoluent dans le temps. Pour évaluer la qualité des Ehpad, il est essentiel de mesurer régulièrement la sécurité, l'efficience et l'efficacité des pratiques, ainsi que l'attention portée aux personnes.
Des indicateurs standardisés permettant de comparer différentes dimensions de la qualité sont essentiels pour les familles et les personnes âgées, pour mieux s'informer sur les standards de qualité des soins et de l'accompagnement, et évaluer objectivement les services. Pour les régulateurs et financeurs, ce recueil d'indicateurs permet une évaluation rigoureuse et systématique des Ehpad.
Actuellement, en France, il n'existe pas de recueil d'indicateurs standardisés permettant de mesurer la qualité des Ehpad. De nombreux pays ont développé des outils de mesure spécifiques pour réguler la qualité des soins dans les établissements pour personnes âgées en situation de perte d'autonomie. Des indicateurs communs sont souvent utilisés pour aider les établissements à suivre et à améliorer leur qualité. Ces indicateurs prennent en compte de multiples dimensions de la qualité, telles que l'apparition d'escarres, la perte de poids, les chutes et blessures graves, la gestion des médicaments, les soins d'incontinence, les hospitalisations, ou encore l'expérience des résidents. Par ailleurs, des outils de mesure standardisés visant à recueillir et comparer l'évolution de l'état de santé et du bien-être des résidents sont utilisés par les instances de financement de ces pays pour promouvoir la qualité dans les établissements.
En France, les Agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux sont chargés de suivre et d'évaluer la qualité des soins fournis dans les Ehpad. Depuis 2005, avec les Contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom) signés entre les Ehpad et ces autorités de financement, une contractualisation formelle a été mise en place pour définir des objectifs de qualité. Toutefois, la qualité n'est pas mesurée de façon standardisée, avec des indicateurs communs à tous les établissements. En 2022, La Haute Autorité de santé (HAS) a défini un ensemble d'indicateurs couvrant neuf dimensions de la qualité, afin de guider les évaluations des établissements médico-sociaux, qui sont réalisées par des organismes d'évaluation externe accrédités. Cette démarche reste récente et ces indicateurs ne sont pas encore diffusés publiquement. En outre, les établissements médico-sociaux n'intègrent pas de démarche de certification obligatoire par la HAS, comme c'est le cas pour les établissements de santé.
Avant tout, il est nécessaire de mieux mesurer la qualité dans les Ehpad pour améliorer l'offre. En France, les enquêtes nationales permettent de mesurer certaines dimensions de la qualité des établissements médico-sociaux, notamment concernant les ressources humaines et le bâtiment, ainsi que les pratiques organisationnelles ou la coordination des soins avec l'hôpital et la ville. Cependant, elles fournissent peu d'informations sur les résultats de soins. Dans tous les cas, même si ces enquêtes capturent à un instant donné l'état de santé et le niveau de perte d'autonomie des résidents, elles ne permettent pas de suivre leur évolution après l'entrée en établissement. De plus, les données cliniques pour évaluer la qualité des soins restent limitées, par exemple concernant la formation d'escarres ou d'autres complications de santé. Pourtant, le recueil de données administratives s'est considérablement développé ces dernières années, ce qui pourrait permettre de mesurer et d'étudier l'évolution de nouveaux indicateurs (hospitalisations potentiellement évitables, vaccination contre la grippe, recours aux hospitalisations à domicile, etc.).
L'intégration d'outils validés internationalement dans la collecte de données peut permettre de standardiser le recueil d'informations sur la qualité de vie des résidents et d'enrichir l'évaluation de la qualité, tout en facilitant les comparaisons entre établissements, et avec d'autres pays. Un suivi régulier et transparent d'un ensemble d'indicateurs de qualité contribuerait à améliorer la performance des établissements et à garantir une prise en charge plus équitable et adaptée aux besoins des résidents. Une meilleure mobilisation des données administratives disponibles, ainsi que la diffusion prévue par la loi des résultats des premières évaluations appliquant le nouveau référentiel de la HAS, constitueront un premier pas.