3 questions à... Bidénam Kambia-Chopin à l'occasion de la sortie du QES n° 158 : Les franchises ont-elles modifié les comportements d'achats de médicaments ?, co-écrit avec Marc Perronnin |
Notre étude a été réalisée sur un échantillon d'à peu près 5 000 individus. Parmi eux, seuls 12 % déclarent avoir modifié leur comportement d'achats de médicaments d'une façon ou d'une autre. De prime abord, cette proportion peut sembler faible. Néanmoins, une analyse plus fine montre que les personnes les plus susceptibles de modifier leur comportement suite à la mise en place de la franchise de 0,50 euro par boîte de médicaments sont celles qui sont les plus pauvres et celles souffrant d'une maladie chronique.
En effet, 14 % des personnes vivant dans un ménage dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 1 167 euros déclarent avoir modifié leur comportement d'achat de médicaments contre 9 % parmi celles dont le revenu est supérieur à 1 997 euros. De plus, les résultats de l'analyse économétrique corroborent ces statistiques descriptives : la probabilité de modifier les comportements d'achat de médicaments est plus forte de 7.3 points pour les individus dont le revenu est inférieur à 1 167 euros que pour ceux dont le revenu est supérieur à 1197 euros.
Un montant cumulé de franchises donné correspond à une part de budget beaucoup plus importante pour un individu à faible revenu comparativement à une personne ayant un revenu élevé. Le risque imminent est donc une perte d'accès aux soins pour les individus les moins nantis. En ce qui concerne les individus souffrant de maladies chroniques, et par conséquent ayant le plus besoin de médicaments, la perte d'accès aux soins peut avoir de lourdes conséquences si le report et le renoncement concernent les médicaments « les plus utiles ». Malheureusement, l'information concernant les médicaments auxquels les individus ont renoncé ou dont l'achat a été reporté n'est pas disponible. Au final, la mise en place des franchises pourrait amplifier les inégalités socio-économiques sur la santé des individus.
Une première limite de notre étude porte sur le fait que nous ne disposons pas de données objectives de consommations de médicaments. Par conséquent, nous n'avons pu analyser que les données déclarées par les individus. Un appariement des données de l'Assurance maladie avec l'Enquête santé et protection sociale (ESPS) nous permettrait d'avoir, pour un même individu, ses données sociodémographiques et ses consommations de soins. De plus, nous avons fait une analyse transversale (année 2008). Pour prendre en compte des évolutions de consommations réelles, il faudrait analyser les consommations des mêmes individus avant et après la mise en place de la franchise. Néanmoins, une difficulté sera de tenir compte d'autres chocs potentiels sur les consommations de soins (choc épidémique, variation des revenus…) concomitants de la mise en place des franchises.
Propos recueillis par Anne Evans