3 questions à... Caroline Allonier (chargée de recherche, médecin spécialiste en Santé publique, Irdes) co-auteur de l'étude : « L'asthme en France en 2006 : prévalence et contrôle des symptômes ». |
Grâce aux données de l'enquête ESPS en 2006, il est possible d'estimer la prévalence de l'asthme actuel. Nous la situons à 6,7 % : il s'agit de la proportion de personnes en France ayant souffert d'asthme ou pris des médicaments contre l'asthme au cours des 12 derniers mois. En 1998, cette prévalence était de 5,8 %.
Cette augmentation peut être expliquée partiellement par deux éléments. D'une part, il existe des différences minimes dans la méthode d'interrogation mais il s'agit bien de la même enquête et de définitions semblables. D'autre part, il y a sans doute un meilleur repérage des symptômes par le médecin aujourd'hui, notamment par le médecin généraliste, et aussi vraisemblablement une meilleure acceptation du diagnostic par les personnes concernées, ce qui tend à améliorer la déclaration de cette maladie.
Comme en 1998, nous retiendrons que les hommes et les femmes sont globalement autant touchés par cette maladie mais qu'il existe des différences lorsque l'on tient compte de l'âge. En effet, chez les moins de 15 ans, les garçons sont plus souvent touchés que les filles ; mais au-delà de cet âge, c'est la tendance inverse que l'on observe.
Notre étude met également en évidence un état de santé plus altéré chez les asthmatiques de 16 ans ou plus que chez les non asthmatiques : à âge et sexe comparables, ils se perçoivent plus fréquemment en moins bonne santé, se sentent plus limités ou fortement limités dans leur activités quotidiennes, ou encore sont plus nombreux à déclarer une dépression, une anxiété, une migraine ou un reflux gastro-œsophagien.
Auparavant, la prise en charge de la maladie asthmatique reposait sur une évaluation de l'asthme selon quatre stades de sévérité croissante. Les dernières recommandations nationales de la HAS datées de 2004, puis les recommandations internationales du GINA diffusées en 2006 abandonnent cette notion de sévérité pour mettre en avant celle du contrôle des symptômes de la maladie. Ce concept de contrôle est jugé plus facile à mettre en œuvre par les praticiens de terrain pour le suivi du patient asthmatique. Il s'agit d'apprécier l'activité de la maladie sur une courte période précédant la consultation. Son évaluation repose sur un score combinant la présence ou l'absence de signes cliniques simples et des données fonctionnelles respiratoires élémentaires.
Dans l'idéal, un patient bénéficiant d'un traitement adapté qu'il suit parfaitement et auquel il répond bien et, par ailleurs, qui évite les facteurs environnementaux (allergènes, tabagisme, etc.) déclencheurs de ses crises d'asthme, ne devrait plus présenter de signes cliniques ou seulement des signes minimes. Sous ces conditions, on dit que son asthme est contrôlé. Le GINA 2006 distingue trois stades de contrôle des symptômes : l'asthme peut ainsi être « contrôlé », « partiellement contrôlé » ou « non contrôlé ». Parmi les asthmatiques identifiés dans notre enquête : 39 % ont un asthme contrôlé, 46 % un asthme partiellement contrôlé et 15 % un asthme totalement non contrôlé.
Les personnes âgées de 40 ans ou plus sont plus fréquemment insuffisamment contrôlées, c'est-à-dire partiellement ou non contrôlées. Nous démontrons également qu'être obèse ou en surpoids, ou le fait de fumer augmente le risque d'avoir des symptômes non contrôlés. Enfin, toutes choses égales par ailleurs, et notamment à âge et sexe comparables, une situation de précarité telle que vivre dans un ménage à faibles ressources ou de structure monoparentale augmente ce risque d'être insuffisamment contrôlé.
Les résultats de notre étude montrent que la charge thérapeutique mise en œuvre (elle-même fondée sur les recommandations internationales du GINA 2006) n'est pas toujours en adéquation avec le niveau de sévérité des symptômes du patient asthmatique. Elle est très souvent insuffisante. En effet, près de trois asthmatiques insuffisamment contrôlés sur dix ne prennent qu'un traitement à la demande alors que leurs signes cliniques justifieraient un traitement de fond dans tous ces cas. Parmi les asthmatiques totalement non contrôlés, on compte encore un sur quatre qui ne prend pas de traitement de fond alors qu'il est ici d'autant plus nécessaire.
D'un point de vue purement médical, la première mesure serait de mieux adapter le niveau de traitement à l'intensité des symptômes, en s'assurant bien sûr de l'observance et d'une bonne technique d'utilisation des traitements inhalés. La prise en charge globale du patient apparaît ici primordiale : elle doit à la fois prendre en compte les comorbidités du malade, c'est-à-dire ses autres maladies, considérer les facteurs de risques pour la santé tels que le tabac et l'obésité, et intégrer les éléments de l'environnement socio-économique et familial. Les actions de type préventif sont importantes pour lutter contre les effets délétères de certains facteurs socioéconomiques.
Enfin, l'accès à des soins de qualité doit être amélioré, notamment pour les asthmatiques de catégories sociales moins favorisées, dans la mesure où ces populations sont souvent associées à un mauvais contrôle des symptômes de la maladie. En l'occurrence, une éducation thérapeutique est préconisée et serait facilitée par une meilleure prise en charge de l'Assurance maladie.