3 questions à... Thomas Renaud sur « Quel lien entre volume d'activité des hôpitaux et qualité des soins en France ? », Questions d'économie de la santé n° 149, décembre 2009, écrit avec Zeynep Or. |
Oui, notre travail démontre qu'il existe réellement une corrélation entre le volume d'activité et les résultats des soins dans les établissements de court séjour pour la plupart des prises en charge chirurgicales et médicales que nous avons analysées. Plus un établissement réalise d'interventions, plus les résultats qu'il obtient en termes de mortalité et de réhospitalisation non programmée sont bons.
Cette relation était bien connue dans la littérature anglo-saxonne mais très peu documentée dans le contexte hospitalier français. Notre étude a donc le mérite de confirmer empiriquement ce présupposé à partir de données hospitalières exhaustives et récentes (PMSI-MCO 2006).
Il faut néanmoins souligner que cette relation n'est pas linéaire : l'impact du volume sur les résultats de soins s'atténue au fur et à mesure que l'activité augmente. D'autre part, la relation entre volume et résultats n'a pas la même ampleur pour toutes les prises en charge. Il semble que le lien soit plus affirmé pour les interventions lourdes (résection de cancer du côlon, prise en charge médicale de l'infarctus du myocarde…) et plus faible, voire inexistant, pour des interventions plus courantes (comme l'appendicectomie ou la pose de stent).
C'est délicat parce que si la corrélation entre volume d'activité et résultats de soins est bien établie, on connaît mal la nature du rapport de causalité entre les deux phénomènes et les mécanismes sous-jacents. Dans la théorie économique, on suppose généralement que c'est l'augmentation de l'activité qui va engendrer une amélioration de la qualité par un phénomène d'apprentissage : plus on pratique une intervention et plus on se perfectionne. Cela étant, certaines études ont montré qu'il existait aussi un effet d'adressage qui veut qu'on oriente plus de patients vers les établissements ayant de bons résultats de soins. Evaluer l'importance de ces effets inverses nécessiterait des données plus détaillées. D'autre part, le volume d'activité n'est pas forcément un vecteur d'amélioration des soins en lui-même ; il peut aussi refléter des effets d'organisation des soins au niveau d'un établissement.
On est tout de même certain que l'impact du volume d'activité sur les résultats n'est pas dû à des différences dans la gravité des cas traités ni à des différences de statut entre établissements. Notre modélisation démontre, en effet, que la relation entre le volume d'activité et les résultats (mortalité et réhospitalisation) est avérée à caractéristiques cliniques des patients et statut d'établissement égaux par ailleurs.
Notre étude prouve que l'utilisation du volume d'activité comme critère de jugement et d'accréditation des établissements est plutôt justifiée. Ce qui est rassurant puisque des seuils d'activité minimaux ont déjà été mis en place pour réguler la pratique de certaines activités chirurgicales (cancérologiques et cardiaques notamment). Pour autant, il est essentiel de bien cibler les interventions pour lesquelles on souhaite appliquer ce type de régulation. Notre étude montre bien que l'influence du volume d'activité sur la qualité est très variable selon les prises en charge, et même négligeable pour certaines d'entre elles (le pontage en particulier).
Surtout, la relation mise en évidence est non linéaire, ce qui suggère qu'il serait efficient de limiter le nombre d'établissements à très faible activité mais qu'il y aurait peu de bénéfices à concentrer l'activité au-delà d'un certain point. Les politiques de planification hospitalière doivent prendre cet aspect en considération, sachant que la concentration de l'offre de soins hospitalière a un coût important de mise en œuvre, a des répercussions néfastes en termes d'accès aux soins et peut engendrer des effets pervers liés à des situations de monopole de certains hôpitaux.
Propos recueillis par Anne Evans