3 QUESTIONS À... : MARS 2009







1/ Dans une première recherche, vous aviez mis en évidence un état de santé plus dégradé pour les personnes vivant en zones urbaines sensibles (ZUS). Quel est l'objet de cette nouvelle publication et quelle a été votre démarche ?

Ce travail est la suite logique de cette première recherche. Nous montrions alors que, à caractéristiques individuelles équivalentes, les résidents des ZUS se considèrent globalement en plus mauvais état de santé que les autres, même si les déterminants des inégalités socio-économiques de santé (l'âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle, le niveau d'études) sont identiques en ZUS et hors ZUS.
Mais il existe également un lien entre l'état de santé moyen des habitants d'un quartier et les caractéristiques de leur lieu de vie, par exemple leur taux de chômage de la zone.
Ce nouveau travail essaie de prendre en considération ces constatations, en essayant de distinguer deux facteurs explicatifs de la santé des populations : un effet de composition qui correspond aux différences des caractéristiques des personnes selon leurs quartiers d'habitation et un effet de contexte qui, indépendamment de l'effet de composition, mesure l'impact des caractéristiques des quartiers sur les personnes qui y vivent.

2/ Quels sont les principaux résultats de votre recherche ?

Tout d'abord, notre recherche confirme que les caractéristiques individuelles des populations expliquent une part importante de leur état de santé. Cependant, l'explication ne se limite pas à cela : l'environnement, le contexte dans lequel vivent les individus, a aussi son importance.
Nous avons ainsi observé trois types d'effets de contexte : le premier se rapporte à la situation économique et sociale des territoires. Le second traduit une plus ou moins forte « mobilité résidentielle » existant dans les quartiers. Le troisième effet est plutôt un effet « générationnel », en termes de population aussi bien que d'habitat. Il distingue les quartiers dans lesquels il y a une forte présence de personnes âgées vivant dans des logements plutôt anciens des quartiers avec une forte présence de jeunes vivant dans des quartiers relativement récents. Il est donc nécessaire d'adopter une approche multidimensionnelle pour mieux comprendre la complexité des effets de contexte sur la santé individuelle.
Ainsi, les résultats suggèrent que vivre dans un quartier où se cumulent les difficultés économiques et sociales engendre des effets négatifs en matière de santé. Il en est de même pour la vie dans des quartiers peu « mobiles ». Enfin, il apparaît que les personnes habitant dans des quartiers récents et « jeunes » sont en meilleure santé que ceux qui vivent dans des quartiers anciens et « âgés ».
Le critère ZUS est un bon indicateur pour observer l'évolution de la santé dans les zones les plus défavorisées. Mais bien que la classification « ZUS » corresponde à une réalité socio-économique défavorable, certains quartiers défavorisés en dehors des ZUS connaissent plus de difficultés que certains quartiers au sein des ZUS ; entre les quartiers ZUS, il existe aussi une très grande hétérogénéité. Finalement, ce critère demeure insuffisant pour préciser certains résultats, car il ne tient pas compte de toute l'hétérogénéité des quartiers et, souvent, ne prend que la dimension « socio-économique » en considération.

3/ Ces jours-ci, le gouvernement présente à l'Assemblée Nationale le projet de loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires : quel éclairage peut apporter votre travail sur la prise en compte des caractéristiques des territoires dans les politiques de santé ?

Les enseignements de ce travail sont de deux ordres. Premièrement, il ne faut pas oublier que les territoires sont peuplés de gens qui ont des caractéristiques différentes. Dès lors, il ne faudrait pas s'arrêter uniquement aux difficultés géographiques d'accès, mais prendre également en considération les difficultés sociales d'accès.
Deuxièmement, les caractéristiques intrinsèques des quartiers ont des effets sur l'état de santé des individus. Par conséquent, si l'objectif de la loi est de lutter contre les inégalités de santé, il est alors nécessaire de mettre en œuvre des politiques territorialisées différenciées en donnant plus de moyens aux quartiers socialement défavorisés pour limiter les conséquences de ces inégalités.

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