3 questions à... Marc Perronnin à l'occasion de la sortie du Document de travail, n° 54 de février 2013 : « Deductibles and the Demand for Prescription Drugs: Evidence from French Data / Effet des franchises sur la demande de médicaments : une analyse sur données françaises » qu'il a écrit avec Bidenam Kambia-Chopin. |
Un des objectifs visés à travers l'instauration de ces franchises, notamment 0,5 euro non remboursés par la Sécurité sociale par boîte de médicaments, est de responsabiliser le patient. Cet objectif se rattache implicitement à la problématique du risque moral : il s'agit d'éviter que les individus n'allouent trop de ressources à leurs soins au détriment de consommations non médicales sources d'utilité, comme le loyer ou l'alimentation. Le deuxième objectif est de dégager des ressources pour la Sécurité sociale afin de financer des investissements comme ceux consacrés à la lutte contre le cancer, la maladie d'Alzheimer ou l'amélioration des soins palliatifs. Notre étude vise à apporter un éclairage sur le premier objectif.
Un premier constat est que peu d'individus déclarent avoir modifié leur comportement d'achat de médicaments suite à la mise en place des franchises : seulement 12 % des individus, qui se sont fait prescrire des médicaments, affirment avoir modifié leur comportement. Ce constat n'est pas étonnant dans la mesure où les franchises, dont le montant s'élève à 0,5 euro par boîte de médicament, représentent un coût relativement faible pour les populations dont le niveau de revenu est moyen ou élevé. D'autre part, les individus n'ont qu'une capacité limitée à influencer les prescriptions de leur médecin et à évaluer l'utilité des médicaments prescrits.
Le deuxième constat est que les changements de comportements (principalement le non achat ou le report dans le temps de l'achat de certains médicaments) sont nettement plus fréquents chez les individus ayant un faible niveau de revenu ou ayant un état de santé dégradé. Pour ces deux populations, les franchises représentent une charge financière significative qui a restreint leur accès aux soins.
Au moment où notre étude a été menée, ce dispositif ne semblait donc pas avoir atteint son objectif de modération des consommations de médicaments ; il paraissait plutôt avoir creusé les inégalités d'accès aux soins.
En termes médical et économique, cette étude est limitée par le caractère binaire de la variable analysée (avoir ou non modifié ses achats de médicaments). Cette variable n'apporte en effet qu'une information sommaire sur le comportement des individus. Elle ne renseigne pas sur la nature des médicaments auxquels l'individu a renoncé ; elle ne permet pas non plus de mettre en évidence d'éventuelles substitutions entre médicaments, aussi des analyses complémentaires sur des données « objectives » de consommations de soins qui ne relèvent pas du déclaratif s'imposent-elles.