3 questions à... Yann Bourgueil (directeur de recherche, Irdes), Julien Mousquès (maître de recherche, Irdes) et Anna Marek (chargée de recherche, Irdes) à propos de la sortie fin novembre du rapport sur les comparaisons internationales de médecine de groupe et d'une étude sur la médecine de groupe en Bretagne . |
Une étude de la Drees menée en 2002-2003 a montré que seuls 39 % des médecins généralistes exercent en groupe. Cette proportion est très inférieure à celle qui existe dans la plupart des pays que nous avons observés. A la différence de ce qui se passe dans beaucoup d'autres pays, notamment en Europe, la pratique de groupe ne fait pas l'objet d'une politique spécifique. Par exemple, en France, la contractualisation avec un groupe de professionnels sur des objectifs de services fournis à une population n'est pas mise en œuvre. Le regroupement est donc laissé à l'initiative des médecins.
Toutefois, le regroupement est de plus en plus considéré comme une piste intéressante par diverses instances représentatives de professionnels et par les pouvoirs publics. Ainsi, depuis quelques années, parallèlement au développement de la politique des réseaux de soins, des projets de maisons médicales pluriprofessionnelles ont vu le jour, soutenues financièrement par des fonds d'innovation et par les collectivités locales. Par ailleurs, l'assurance maladie a signé un accord en janvier 2007 avec les syndicats médicaux, prévoyant une aide forfaitaire pour les médecins généralistes exerçant en cabinet de groupe ou en maisons de santé dans les zones sous-médicalisées. Enfin, autre exemple : celui du contrat de médecin collaborateur libéral créé dans le cadre de la loi du 2 août 2005 ; bien que non directement orienté vers le regroupement des médecins, il est souvent présenté comme un moyen de faciliter à terme la pratique de groupe.
Les différents travaux d'études menés auprès des internes ou auprès des jeunes médecins installés laissent penser que les médecins choisiront de plus en plus la pratique de groupe, du fait de l'évolution de leurs attentes professionnelles, personnelles, et de la féminisation du corps médical (on compte aujourd'hui 65 % de femmes en deuxième année de médecine).
Si la féminisation ne se traduit pas nécessairement par une diminution du temps de travail, elle coïncide avec une évolution du rapport au travail de tous les jeunes médecins : concilier vie familiale et vie professionnelle constitue une nouvelle exigence des médecins hommes et femmes, qui les conduit à appréhender différemment leur exercice et leur mode d'organisation professionnelle.
Cependant, plus que le regroupement des seuls médecins, c'est l'organisation du travail et la coopération entre les médecins et les autres professions de santé - au sein d' équipes pluriprofessionnelles - qui parait offrir des pistes intéressantes pour garantir à la population, sur l'ensemble du territoire, les mêmes services en soins primaires. Mais encore faut-il définir les services minimums que l'on souhaite garantir à tous et toutes.
A l'occasion de ce travail exploratoire, qui reste à confirmer, nous avons observé que les groupes de médecins bretons sont majoritairement de petite taille (deux tiers des cabinets comprennent 3 médecins au plus), et semblent mieux équipés en informatique et en matériel de soins. Ils offrent des plages horaires de consultation plus étendues que celles des médecins exerçant dans un cadre individuel, et sont ouverts plus longtemps au cours de l'année. Dans la plupart des cas, les médecins exerçant en groupe ne partagent pas les honoraires, mais les charges sont, par rapport aux médecins exerçant seuls, environ deux fois moins élevées. Les médecins en groupe sont plus jeunes et participent plus souvent aux gardes de la permanence des soins. En termes de satisfaction, on ne constate pas de différence ; chacun semble satisfait de son mode d'exercice. Les médecins en groupe manifestent néanmoins plus fréquemment le souhait de développer leur groupe.