3 QUESTIONS À...3 questions à... Sylvain Pichetti et Catherine Sermet à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 167, de juillet-août 2011, intitulé : « Le déremboursement des médicaments en France entre 2002 et 2010 : éléments d'évaluation » |
Tous les médicaments dont le service médical rendu (SMR) est considéré comme insuffisant par la Commission de la transparence de la Haute Autorité de santé devraient, en théorie, être déremboursés, ainsi que le précise l'article R.163-3 du code de la Sécurité sociale. La décision finale de dérembourser un médicament est prise par le ministère de la Santé.
Or, en mars 2011, sur les 486 présentations de médicaments dont le SMR est insuffisant et qui sont toujours commercialisées, un peu moins de 76 % ont été effectivement déremboursées (soit 369 présentations) tandis que 24 % restent remboursées, principalement à un taux de 15 %.
Les médicaments à SMR insuffisant qui ont été déremboursés se répartissent dans 32 classes thérapeutiques différentes mais sont principalement concentrées sur la classe des antidiarrhéiques, anti-inflammatoires et anti-infectieux intestinaux, les vasculoprotecteurs, les psycholeptiques et les médicaments du rhume et de la toux.
La plupart des médicaments visés par les déremboursements sont encore sur le marché actuellement. Dans l'objectif de limiter les pertes de part de marché, les laboratoires pharmaceutiques ont en effet proposé de nouvelles présentations, conditionnées pour la vente en automédication, accessibles en pharmacie avec ou sans ordonnance et dont les prix sont librement fixés. Le premier impact d'un déremboursement est une baisse immédiate de la prescription du médicament concerné. L'automédication peut prendre le relais de la prescription, mais elle ne compense que très partiellement la diminution des volumes car les patients doivent supporter la totalité du prix du médicament. Enfin, les déremboursements se traduisent fréquemment par des augmentations de prescription d'autres classes thérapeutiques toujours remboursées, ce qui peut s'interpréter comme un effet de substitution.
Une étude récente de l'Irdes souligne une augmentation de la prescription des antitussifs, surprenante sur le plan médical, survenue de façon concomitante au déremboursement des mucolytiques en mars 2006 et qui n'a pas pu être attribuée à des événements épidémiologiques ou à l'apparition de nouveaux médicaments antitussifs. Les antitussifs indiqués en cas de toux non productive (toux sèche) ne devraient en effet pas être prescrits à des patients soignés pour des toux grasses qui sont l'indication des mucolytiques. Par ailleurs, au-delà des considérations de santé publique, les économies réalisées suite au déremboursement des mucolytiques et expectorants ont été amoindries compte tenu des effets de reports. L'Irdes évalue que les économies qui auraient dû être réalisées suite au déremboursement des mucolytiques et des expectorants sur le seul périmètre des diagnostics aigus (70,5M€ quatre ans après le déremboursement) sont réduites à 32,5M€ en raison de l'augmentation de la prescription des antitussifs et des bronchodilatateurs intervenue concomitamment.
Propos recueillis par Anne Evans