3 questions à... Sylvain Pichetti à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 178 de juillet-août intitulé : « Comment expliquer les écarts de prix des médicaments similaires ? Une analyse en données de panel 2001-2009 », écrit avec Laure Bergua, Thomas Cartier, Nicolas Célant, Catherine Sermet et Christine Sorasith |
Les médicaments similaires appartiennent à une classe thérapeutique existante ayant une structure chimique, un mode d'action thérapeutique, un profil d'effets indésirables et des indications principales très proches. Ils résultent de modifications mineures de la structure chimique de la molécule initiale ou d'innovations faibles censées améliorer l'efficacité, la sécurité ou la tolérance du médicament. Ces médicaments suscitent un débat important : pour leurs partisans, ils permettent de compléter l'arsenal thérapeutique à la disposition des médecins et sont donc véritablement utiles tandis que pour leurs détracteurs ils sont essentiellement semblables aux médicaments qui existent déjà dans la classe et mobilisent des efforts de recherche et développement qui pourraient être mieux employés pour produire une innovation thérapeutique plus consistante.
On peut distinguer principalement trois facteurs. D'abord, l'innovation explique une part importante des écarts de prix, ce qui est conforme à ce que prévoit la régulation. Une innovation cumulée croissante dans une classe thérapeutique s'accompagne d'un écart de prix également croissant. Cela étant, la proportionnalité entre le progrès thérapeutique faible et la marge de prix consentie peut être questionnée. Ensuite, pour les médicaments disponibles en plusieurs dosages, la tarification proportionnelle au dosage augmente les écarts de prix, ce qui soulève la question de l'équité pour les patients dont l'état de santé justifie de plus fortes doses. Enfin, la mise sous Tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) fait fortement varier les écarts de prix : si c'est le premier médicament de la classe qui est placé sous TFR, les écarts de prix augmentent tandis qu'ils diminuent si ce sont les médicaments similaires qui sont placés sous TFR.
On constate selon les pays des positions assez tranchées. En Allemagne et en Hongrie, même si les médicaments similaires affichent des prix différents, ils sont incorporés dans un système de prix de référence qui ne rembourse au patient que le prix standard de la classe thérapeutique. La liberté est laissée au patient de choisir un médicament plus cher mais il devra, dans ce cas, acquitter la différence de prix. Dans ces deux pays, le régulateur considère que l'imitation ou le faible progrès thérapeutique ne justifient pas une prise en charge différentielle par la collectivité. En Nouvelle- Zélande, une sélection draconienne est opérée : les nouveaux médicaments ne sont admis au remboursement que s'ils sont systématiquement moins chers que les équivalents remboursés.
Propos recueillis par Anne Evans