3 QUESTIONS À... : SEPTEMBRE 2008







1/ D'après votre étude, depuis la mise en place du dispositif du médecin traitant, les patients demandent plus souvent l'avis de leur médecin généraliste avant de consulter un spécialiste. Qu'en est-il exactement ?

On constate en effet dans l'étude que, depuis la mise en place de la réforme du médecin traitant et du parcours de soins coordonnés, la proportion des consultations de spécialistes (hors gynécologues, ophtalmologues, psychiatre pour les patients de moins de 26 ans) résultant du conseil d'un généraliste a sensiblement augmenté passant de 39 % en 2004 à 45 % en 2006.

Parallèlement, les enquêtés déclarent une baisse de la proportion d'accès direct à ces spécialistes de 22 % à 15 %. Bien entendu, la diminution de la part des séances en accès direct varie d'une spécialité à l'autre. Elle est particulièrement forte pour la dermatologie (de 61 à 41 %) et l'ORL (de 39 à 16 %), deux spécialités pour lesquelles l'accès direct était en 2004 la modalité la plus fréquente. Bien qu'entraînant moins de répercussion sur les modalités d'accès, elle est également observée en psychiatrie, de 28 % à 23 %, en cardiologie, de 15 % à 7 %, et en radiologie, de 6 % à 3 %. En revanche, elle est restée relativement stable en rhumatologie, pneumologie, chirurgie et endocrinologie.

Pour la gynécologie, l'ophtalmologie et la psychiatrie destinée au moins de 26 ans, spécialités pour lesquelles l'accès direct reste toléré par la réforme sous certaines conditions, la proportion de consultations en accès direct est restée stable entre 2004 et 2006. On notera par ailleurs qu'entre 2004 et 2006, il n'y a eu que peu d'évolution des déterminants de l'accès direct. Tout juste constate-t-on chez les personnes ayant consulté un spécialiste (autre qu'un gynécologue et qu'un ophtalmologue), une réduction de l'influence du milieu social et du niveau d'études et l'apparition d'un effet de la taille du ménage. Il semble en effet que toutes choses égales par ailleurs, la proportion d'accès direct se soit réduite dans les ménages de trois personnes et plus.

2/ Ces résultats semblent montrer qu'un des objectifs de la réforme de l'Assurance maladie qui était de donner un rôle pivot au médecin traitant est atteint. Or, une précédente étude de l'Irdes concernant la désignation du médecin traitant, montrait que la réforme n'avait pas changé grand-chose. Qu'en est-il ?

Effectivement, bien avant la réforme, neuf personnes sur dix déclaraient dans nos enquêtes avoir un médecin de famille ou un médecin habituel. En 2006, plus de 90 % des personnes qui ont déclaré un médecin traitant ont choisi ce médecin habituel ou de famille. On peut donc considérer que la réforme n'a fait qu'entériner un processus en place depuis déjà longtemps.

Par ailleurs, en dehors de certaines spécialités comme la dermatologie, l'ophtalmologie, la gynécologie et dans une moindre mesure l'ORL et la psychiatrie adulte il existait déjà, avant la mise en place de la réforme, une forte orientation médicale des patients vers un spécialiste. En effet, plus de 80 % des consultations des autres spécialistes résultaient de l'orientation d'un médecin, généraliste (le médecin habituel du patient le plus souvent), spécialiste souhaitant revoir le patient ou encore un autre spécialiste.

Cette formalisation du parcours de soins a cependant commencé à changer les habitudes des patients (et/ou des médecins traitants) puisque, comme on l'a vu, la part des consultations faisant suite aux conseils d'un généraliste (pour l'essentiel le médecin traitant) a augmenté de manière significative. Elle s'est accrue de manière particulièrement importante en dermatologie, ORL, pneumologie et endocrinologie. Reste à savoir si ce changement sera conforté après 2006 ou s'il n'est que transitoire.

Par ailleurs, on sait également, par les données de remboursement de l'Assurance maladie, qu'en 2005 et 2006, certaines spécialités cliniques ont vu leur activité diminuer. C'est d'ailleurs le constat qui figure dans l'avenant n° 12 à la convention nationale des médecins qui cite, la dermatologie, l'ORL, la rhumatologie, la médecine physique et de réadaptation, l'endocrinologie et la cardiologie. Pour pallier cette baisse d'activité, différentes mesures de revalorisation de certains actes spécifiques à ces spécialités ont été progressivement mises en place par l'Assurance maladie.

3/ Contrairement à la plupart des pays européens, la France a tardé à mettre en place des mesures visant à freiner l'accès direct aux spécialistes. Pourquoi ?

Effectivement, la plupart des pays ont mis en place un dispositif dit de gate-keeper (littéralement gardien de porte), et pour certains depuis fort longtemps, comme aux Pays-Bas et au Royaume-Uni (entre 1940 et 1950). Ces dispositifs sont souvent plus contraignants que celui mis en place en France car ils obligent souvent les patients à consulter un généraliste pour accéder aux soins de spécialistes ou encore à l'hôpital. Dans d'autres pays, des mesures incitatives ont été prises récemment, comme en Allemagne qui en 2004 a mis en place un dispositif de forfait trimestriel qui incite financièrement les patients à passer par leur généraliste avant de consulter un spécialiste. En effet, à chaque consultation d'un spécialiste en accès direct le patient paie maintenant une « taxe » de 10 euros. En Suède, comme en France, l'adressage par un généraliste n'est pas obligatoire mais le ticket modérateur (montant restant à la charge du patient) est plus élevé lorsque le patient consulte un spécialiste sans recommandation médicale d'un généraliste.

Enfin, le concept de parcours de soins coordonnés n'est pas nouveau en France puisqu'avant sa mise en place, l'expérimentation du médecin référent devait également aider à orienter le patient dans le système de soins.

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