3 questions à… Véronique Lucas-Gabrielli et Catherine Mangeney à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 246 intitulé : « Comment enrichir la mesure des inégalités spatiales d'accessibilité aux médecins généralistes. Illustration en Ile-de-France. »
Janvier 2020
La recherche sur les inégalités spatiales
d'accessibilité aux soins primaires utilise les indicateurs de
type « densité flottante » ou Two-step Floating Catchment
Area (2SFCA) pour enrichir les mesures obtenues à partir
des seuls calculs de densité ou de distance.
Adaptée au contexte français, l'Accessibilité potentielle
localisée (APL) appliquée aux médecins généralistes permet de
reconsidérer les constats préalablement établis en la matière en
proposant une meilleure quantification de l'offre et des besoins
de soins ainsi qu'une appréhension ajustée de l'interaction
entre l'offre et la demande de soins.
Pour améliorer encore la mesure, nous faisons évoluer cet
indicateur de plusieurs manières : en réduisant l'échelle
géographique d'observation, de la commune à la maille de 200
mètres ; en prenant en compte la dimension sociale des
besoins et les pratiques de mobilité différenciées (voiture,
transports en commun…) ; en proposant une nouvelle approche des
interactions entre l'offre et la demande de soins qui permet de
se rapprocher des comportements réels de recours aux médecins
généralistes en considérant que si une offre proche est
disponible, la proportion de patients à se déplacer plus loin
sera plus faible et inversement ; enfin, en tenant compte de
l'offre de soins spécialisés.
En prenant l'Ile-de-France comme cadre
d'analyse, nous montrons que le changement d'échelle
géographique d'observation met en exergue des situations parfois
très contrastées entre différents quartiers d'une même commune.
La nouvelle approche des interactions spatiales entre l'offre et
la demande est une autre évolution qui modifie beaucoup les
niveaux d'accessibilité mesurés, lissant leur représentation
spatiale en rééquilibrant les situations entre mailles voisines
(cf.
graphique du mois de janvier 2020).
L'intégration de la dimension sociale des besoins et des
pratiques de mobilité (voiture, transports en commun...) a pour sa
part des impacts plus locaux. Par exemple, pondérer les
populations selon l'âge augmente les besoins de soins dans les
départements de Paris et des Hauts-de-Seine, principalement,
tandis que l'introduction de la dimension sociale des besoins de
soins a un effet particulièrement marqué en Seine-Saint-Denis.
La mise en contexte plus globale de l'indicateur, notamment en
tenant compte de l'offre médicale alternative en médecins
spécialistes de premier recours, conduit à apporter une vision
des équilibres infrarégionaux très sensiblement
modifiée.
La sensibilité des résultats aux différentes hypothèses proposées, et présentées dans cette étude sous forme de scénarios, plaide pour compléter les constats établis en matière d'accessibilité spatiale. La mise au point de ce type d'indicateur révèle, de ce fait, l'importance de mobiliser dans un mouvement d'aller et retour aussi bien des phases de calcul statistique et de représentation géographique des résultats à différentes échelles que des phases d'échanges avec les partenaires institutionnels ou locaux. Ces échanges permettent en effet d'affiner et de valider les hypothèses retenues en les confrontant aux ressentis des acteurs « usagers, professionnels de santé, décideurs » qui vivent et travaillent dans ce territoire, mais aussi de prendre en compte les spécificités des territoires.