3 QUESTIONS À...


1/ Quelle était l'ambition de l'expérimentation Parcours santé des aînés (Paerpa) ?

L'expérimentation Paerpa a pour objectif d'améliorer la prise en charge et la qualité de vie des personnes âgées de 75 ans et plus et de leurs aidants. Les projets lancés en 2014 dans neuf territoires pilotes visaient à faire progresser la coordination des différents intervenants des secteurs sanitaire, social et médico-social afin d'améliorer la qualité de la prise en charge globale, de prévenir la perte d'autonomie et d'éviter les recours inappropriés aux urgences et à l'hospitalisation. L'expérimentation a proposé une série de dispositifs, déployés à un degré différent dans chaque territoire, impliquant un grand nombre d'acteurs au niveau local. Si certains outils proposés sont propres à Paerpa, comme la Coordination territoriale d'appui (CTA) et le Plan personnalisé de santé (PPS), l'expérimentation a également pour objectif de renforcer et de reconfigurer un certain nombre de dispositifs déjà existants mais peu développés dans la plupart des territoires, et de favoriser le partage d'informations entre les professionnels.
L'évaluation d'impact, confiée à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), a pour objectif d'apporter des éléments permettant d'apprécier les résultats des projets territoriaux, au moyen de critères communs. Cette évaluation, suivie par un Comité national d'évaluation piloté par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), et réunissant l'ensemble des administrations, permet de mesurer la part des effets imputables aux projets Paerpa dans les résultats observés, au regard des objectifs de l'expérimentation.

2/ Quels sont les principaux résultats de l'évaluation d'impact que vous avez menée et comment les expliquer ?

Pour commencer, les analyses territoriales portées dans le cadre de l'évaluation ont révélé la grande diversité des territoires Paerpa en termes de population concernée, de situations géographiques, démographiques, socio-économiques ainsi que de structure d'offre de soins hospitaliers et de ville. Des travaux de modélisation ont montré l'importance de ces facteurs territoriaux sur les indicateurs de résultats suivis dans le cadre de l'évaluation.
L'évaluation d'impact tient compte de ces différences des situations territoriales et de leur évolution avant l'expérimentation. Elle montre que Paerpa a eu un impact modeste mais significatif dans deux domaines : la iatrogénie médicamenteuse (prescriptions inappropriées et polymédication) et les visites aux urgences. Toutefois, la baisse liée à Paerpa est modeste et concentrée sur quelques territoires Paerpa. En revanche, nous n'avons pas identifié d'impact significatif de Paerpa pour réduire les hospitalisations des personnes âgées. Ces résultats peuvent être expliqués en partie par la faible mobilisation des professionnels de santé autour des dispositifs Paerpa dans certains territoires, comme en témoignent les différences dans le déploiement des PPS et les niveaux d'activités très variables des CTA entre les territoires.
Les analyses supplémentaires sur le dispositif PPS montrent que les PPS ont ciblé les personnes âgées qui ont des besoins de santé très complexes, nécessitant une prise en charge sanitaire et médico-sociale, et ont eu un impact positif sur les dépenses de soins infirmiers à domicile des personnes qui en bénéficient. Cela signifie que le PPS a été mobilisé par les professionnels de santé de premier recours pour enclencher une prise en charge médico-sociale et sociale au domicile de la personne. En revanche, nos analyses ne montrent aucun impact significatif du PPS sur les indicateurs hospitaliers, notamment les réadmissions et les hospitalisations évitables, ni sur la polymédication et les prescriptions inappropriées.

3/ Quels enseignements en tirer ?

Le manque d'impact visible de l'expérimentation sur les indicateurs hospitaliers, notamment les réadmissions et les hospitalisations évitables, interroge sur les limites des outils mis en place. Pour assurer la qualité et la continuité de la prise en charge globale des personnes âgées, il semble nécessaire de créer des passerelles plus formalisées entre les professionnels de ville, y compris les médecins spécialistes, les soignants à domicile et les acteurs hospitaliers.
Il faut aussi souligner qu'introduire des innovations organisationnelles afin d'améliorer les résultats de soins au niveau de la population est un défi de taille car cela suppose que les changements se diffusent à tous les professionnels concernés mais également dans toute la population. Passer de la conception des dispositifs à la mise en œuvre s'avère difficile partout car de nombreux obstacles échappent au contrôle des acteurs locaux. L'évaluation d'impact n'en demeure pas moins essentielle pour comprendre l'ampleur de ces changements, et aider à identifier les services ou les modèles innovants.