3 QUESTIONS À...


1/ En quoi votre étude apporte-elle de nouvelles perspectives d'analyse à la littérature existant sur l'impact d'un choc de santé sur la consommation de tabac ?

Jusqu'à présent, la littérature s'est focalisée sur des événements de santé en lien direct avec la consommation de tabac. Ainsi, étaient considérés les effets de la découverte de cancers du poumon ou de certaines maladies cardiovasculaires sur le nombre de cigarettes fumées. Néanmoins, un fumeur peut avoir anticipé la survenue de ces événements et modifié sa consommation de tabac avant même qu'ils ne se produisent. Dans de tels cas, l'estimation est biaisée puisque la variation de la consommation de tabac observée n'est pas attribuable au seul événement de santé, mais également à son anticipation.

En étudiant des événements de santé inattendus, à savoir des accidents ayant nécessité des soins médicaux, nous proposons de contribuer à cette littérature en estimant l'effet propre d'un événement de santé sur la consommation de tabac. Par ailleurs, en choisissant un événement de santé sans lien direct avec le tabagisme, nous testons aussi l'hypothèse selon laquelle la nature de l'événement importe peu pour modifier la consommation de tabac. De plus, nous étendons la gamme des comportements analysés en présentant des résultats sur d'autres comportements de santé : la consommation d'alcool et l'obésité, mesurée par l'Indice de masse corporelle (IMC).

2/ Quels principaux résultats observez-vous ?

Pour estimer un lien robuste entre événement de santé et comportements de santé, nous utilisons des données longitudinales issues de la cohorte Gazel ainsi qu'un modèle à effets fixes. Ce dernier permet de neutraliser les effets de variables inobservées (c'est-à-dire non disponibles dans la base de données) et qui sont constantes dans le temps au niveau de l'individu. C'est le cas, par exemple, des caractéristiques génétiques.

Nos résultats indiquent que les fumeurs subissant un événement de santé réduisent davantage leur consommation de tabac que les autres. De plus, cette réduction perdure jusqu'à cinq ans après l'occurrence de l'événement et elle est d'intensité différente selon le niveau initial de consommation de tabac. Les gros fumeurs (les personnes consommant au moins 10 cigarettes par jour) diminuent davantage leur consommation de tabac que les petits fumeurs, pour lesquels aucun effet significatif n'est trouvé. Cet événement de santé a aussi un impact significatif et à la baisse sur la consommation d'alcool pendant trois ans. En revanche, aucun effet significatif n'est trouvé pour l'IMC.

3/ Quels enseignements en tirer pour améliorer la prévention ?

Ces résultats semblent indiquer que les petits fumeurs pourraient faire l'objet d'une attention renforcée dans les politiques de prévention. En effet, même pour un faible niveau de consommation de tabac, des risques importants de détérioration de la santé existent, dès lors que la consommation est quotidienne.