3 QUESTIONS À...


1/ Dans quel contexte s'inscrit cette recherche et donc le dispositif Action de santé libérale en équipe (Asalée) ?

Cette publication poursuit l'analyse de l'implémentation et de l'impact d'un dispositif expérimental de coopération entre médecins généralistes et infirmières dénommé Action de santé libérale en équipe (Asalée) engagé depuis plusieurs années (Fournier et al., 2018 ; Afrite et al., 2019 ; Loussouarn et al., 2020). Dans un contexte où le développement des pratiques infirmières avancées pourrait permettre de mobiliser les connaissances et compétences des infirmières afin d'améliorer la qualité du suivi et de la prise en charge des patients, notamment chroniques, il s'agit pour nous de tester cette hypothèse s'agissant des patients diabétiques de type 2.
Pour ce faire, nous avons comparé sur la période 2010-2017, la qualité du suivi de patients diabétiques de type 2, à partir d'indicateurs de processus (examens ou consultations réalisés ou non au cours de l'année), de médecins généralistes (« cas »), entrés dans l'expérimentation Asalée entre 2012 et 2015, avec celle de médecins comparables n'y participant pas (« témoins »). Deux perspectives, en « intention de traiter » ou « per protocole », sont déployées afin de s'intéresser, d'une part, à l'impact d'Asalée sur tous les patients diabétiques de type 2 des médecins généralistes (18 310 cas et témoins appariés) et, d'autre part, à l'impact uniquement sur les patients enrôlés dans un protocole de coopération entre médecins généralistes et infirmières pour le suivi du diabète et requérant des actions particulières réalisées par les infirmières Asalée dans ce cadre (2 943 cas et témoins appariés).

2/ A quels enjeux est confrontée la France en termes d'amélioration de la qualité des soins, en particulier de maladies chroniques comme le diabète ?

L'identification de leviers, comme le renforcement de la coopération et du travail en équipe entre médecins généralistes et infirmières, pour améliorer la qualité des soins et services rendus auprès de patients atteints de maladies chroniques comme le diabète est un enjeu d'importance. Les marges d'amélioration dans ce domaine sont très importantes. En dépit de la mobilisation de différents leviers comme la diffusion des recommandations, le soutien aux réseaux de soins, la mise en place de la Rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) ou du programme Sophia de l'Assurance maladie, la France restent en deçà des 80 % de patients correctement suivis à deux notables exceptions : le suivi lipidique et la mesure de la créatininémie annuelle. Pour tous les autres indicateurs de suivi habituels, les améliorations des pratiques au cours des dix dernières années sont modestes avec, en 2019 : 56 % des patients ayant bénéficié d'au moins trois mesures d'hémoglobine glyquée (HbA1c) dans l'année, 42 % d'une mesure de la microalbuminurie, 64 % d'un fond d'œil ou d'une consultation ophtalmologique, 37,5 % d'un électrocardiogramme (ECG) ou d'une consultation cardiologique, 38,3 % d'une consultation dentaire.

3/ En quoi la coopération entre médecins généralistes et infirmières améliore-t-elle le suivi des patients diabétiques ?  

La coopération et le travail en équipe entre médecins généralistes et infirmières, c'est-à-dire la réalisation d'activités en complémentarité ou en substitution de celles du médecin par les infirmières, sont extrêmement divers tant en termes de configurations que d'intensité en Europe. Il apparaît néanmoins qu'une mobilisation plus large des connaissances et compétences des infirmières permet de proposer une meilleure adaptation des soins et services rendus aux besoins du patient. Spécifiquement pour le diabète, il a ainsi été montré un impact positif de la coopération entre médecins et infirmières sur la complétude des dossiers médicaux, l'amélioration de l'équilibre glycémique et lipidique ou encore la satisfaction des patients. Dans le cadre du dispositif Asalée et pour les patients diabétiques, on peut identifier plusieurs leviers comme le rôle des infirmières dans la tenue du dossier et de rappel informatique en direction du médecin relativement à la réalisation des examens de suivi du patient ; l'éducation thérapeutique avec le patient ; ou encore la réalisation d'actes dérogatoires comme l'électrocardiogramme, la prescription d'examens biologiques, ou les examens du pied diabétique.
Au final, dans cette nouvelle recherche, nous avons pu estimer que l'amélioration de la qualité du suivi des patients diabétiques de type 2 sur la période 2010-2017 était significativement plus rapide pour les patients des médecins participant à Asalée, et que cette évolution favorable était bien consécutive de l'entrée des médecins dans Asalée. Nous avons également pu montrer que cette amélioration plus rapide en faveur des patients suivis par des médecins entrant dans le dispositif Asalée est particulièrement vive pour le sous-échantillon de patients « per protocole », qui ont bénéficié de façon certaine d'un protocole de coopération entre médecin généraliste et infirmière spécifique. On estime ainsi que, pour cette sous population, le supplément d'amélioration du suivi, entre l'avant et l'après, attribuable au dispositif Asalée (la différence-de-différences), est particulièrement marqué et s'élève à +12,7 points de pourcentage pour l'HbA1c et la microalbuminurie, 8,2 pour le fond d'œil ou la consultation chez l'ophtalmologue, 5,7 pour l'ECG ou la consultation chez le cardiologue.