3 QUESTIONS À...


1/ Quelle était la situation des territoires que vous étudiez en termes de coopération et de coordination des acteurs des soins primaires avant la pandémie de Covid-19 ?

Nous avions déjà enquêté au sein de ces territoires, ce qui nous permettait de connaître les dynamiques de coopération et de coordination des acteurs de soins primaires avant la pandémie de Covid-19. Il y avait bien sûr une hétérogénéité entre ces territoires dans les dynamiques de coopération et de coordination entre les acteurs et les organisations, liée notamment aux configurations locales d'acteurs, aux projets qui les lient et à l'ancienneté de ces dynamiques. Ainsi, dans certains territoires, ces dynamiques ont été initiées il y a une dizaine ou une quinzaine d'années autour de la création de maisons de santé pluriprofessionnelles. Dans d'autres, les dynamiques de coopération et de coordination sont plus anciennes, remontant aux années 1980 : une partie des acteurs, toujours présents aujourd'hui, avaient commencé à organiser les soins primaires dans une perspective de médecine sociale, ou de prévention et promotion de la santé, ou encore dans une logique de maintien des personnes fragiles à domicile.

2/ Comment ont évolué ces dynamiques lors de la première vague de Covid-19 ?

Lors de la première vague de Covid-19, il y a eu un bouleversement des organisations et des pratiques dans l'ensemble du pays : on se souvient tous de la forte incertitude et de la suspension des routines qui a prévalu lors de ce mois de mars 2020. Dans les territoires enquêtés, certains constats sont transversaux : un premier mouvement a été de coopérer à l'échelle de son groupe professionnel, avec par exemple des professionnels paramédicaux qui ont dû fermer leur cabinet du jour au lendemain et qui ont proposé leurs services. Ensuite, la diversité des territoires et des acteurs (de soins primaires, hospitaliers, de collectivités territoriales) entraîne une hétérogénéité dans les dynamiques de coordination. Par exemple, dans certains territoires, les établissements hospitaliers ont stoppé toute coordination avec les acteurs de soins primaires, alors que dans d'autres, l'épidémie de Covid-19 a permis d'accroître les relations avec l'hôpital et avec les collectivités locales. Ce qu'on constate, c'est que ces évolutions partent toujours de l'existant : la crise ne crée pas de dynamiques nouvelles. Elle ne bouleverse pas non plus les hiérarchies existantes entre professionnels, ni entre les secteurs de la ville et de l'hôpital.

3/ Quels principaux déterminants de l'intégration territoriale des soins primaires la crise sanitaire a-t-elle révélés ?  

L'intégration territoriale est la constitution d'un réseau d'acteurs, publics et privés, qui œuvrent à la production de normes pour organiser les soins primaires sur un territoire. Ce qu'on observe, c'est le caractère déterminant de ce réseau et de son ancienneté. En effet, pour s'organiser face à l'épidémie, les acteurs se sont appuyés sur ce qu'ils avaient construit au préalable. Les coopérations pluriprofessionnelles développées dans le cadre des maisons ou centres de santé ont accéléré l'organisation de la prise en charge des patients suspects de Covid-19, avec des professionnels paramédicaux parfois bénévoles et des professionnels salariés qui ont œuvré à l'orientation des patients et à la prévention des contaminations. Les relations antérieures ont aussi permis à certaines équipes de soins primaires de travailler main dans la main avec les collectivités territoriales ou avec des services hospitaliers. Cependant, malgré l'importance de ces relations, certains facteurs comme une sous-dotation en offre de soins, conjuguée à une intensité forte de l'épidémie, ont concouru à suspendre des dynamiques préexistantes, soulignant le rôle joué par les inégalités territoriales de santé.