3 questions à... Matthieu Cassou, Julien Mousquès et Carine Franc à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 258, intitulé : « Exercer en maison de santé pluriprofessionnelle a un effet positif sur les revenus des médecins généralistes »
Mai 2021
Les médecins exerçant en MSP se distinguent surtout par leur concentration dans des zones rurales ou péri-urbaines et défavorisées en offre de soins, une caractéristique qui persiste jusqu'à aujourd'hui. En outre, pour notre échantillon d'étude (les médecins actifs sur l'ensemble de la période 2008-2014), ceux qui ont choisi d'intégrer une MSP-Accord conventionnel interprofessionnel (ACI) [signataires de l'ACI ou des contrats qui lui ont précédé] étaient un peu plus jeunes et moins souvent des femmes que leurs homologues n'ayant pas fait ce choix. Par ailleurs, ils exerçaient plus souvent une activité salariée en sus de leur activité de médecine générale libérale. Cependant, si les caractéristiques de l'implantation des MSP sont relativement stables dans le temps, nous savons que depuis 2008 l'exercice en MSP-ACI s'est montré très attractif pour les plus jeunes médecins généralistes, et particulièrement pour les femmes. Ainsi, dès 2014, les médecins généralistes en MSP-ACI étaient en moyenne nettement plus jeunes et plus souvent des femmes que leurs homologues.
Choisir un mode d'exercice intégré et pluriprofessionnel est susceptible d'affecter le revenu des médecins généralistes par de nombreux mécanismes, tant sur le plan de leurs charges que des différentes sources de revenus, dont ceux tirés de l'activité libérale (les actes et forfaits principalement). Si nos analyses ont mis en évidence une hausse plus rapide du revenu pour les médecins généralistes ayant intégré une MSP-ACI sur la période 2008-2014, confortant la pérennité financière de ces structures, les données disponibles ne permettent que partiellement d'en identifier les sources. Néanmoins, la capacité des médecins généralistes en MSP à gérer une patientèle plus large sans pour autant dispenser plus d'actes semble y avoir contribué. En effet, nous montrons que l'activité de consultation des médecins généralistes est restée stable pour ceux exerçant en MSP, comme pour leurs homologues, tandis que la taille de leur patientèle a progressé plus vite : une tendance valorisable par les différents forfaits intégralement ou partiellement déterminés par le nombre de patients inscrits et suivis (Forfait médecin traitant (FMT), Rémunération médecin traitant (RMT), Rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp)).
Les données à notre disposition ne nous ont pas permis d'analyser la relation entre exercice en MSP et qualité des soins sur le même plan que l'analyse des effets sur le revenu ou le volume de soins dispensés. Seules des analyses en coupe croisées ont pu être effectuées sur les montants Rosp perçus par les médecins en MSP apportant des premiers éléments de réponses en termes de corrélations. Ces analyses révèlent que les médecins généralistes en MSP ont perçu significativement plus de Rosp en 2014. Sans qu'ils soient directement imputables à l'exercice en MSP, ces résultats suggèrent pour le moins que ce mode d'activité ne les a pas conduits à dispenser des soins de moindre qualité que leurs homologues (au sens de la Rosp). En somme, rien n'indique que la capacité de gérer plus de patients mise en évidence pour les médecins généralistes en MSP, se fasse au détriment de la qualité des soins dispensés. A notre sens, celle-ci serait plutôt à expliquer par des réallocations de tâches et soins entre professionnels que les MSP cherchent à promouvoir.