3 QUESTIONS À...


1/ Quels constats peut-on faire en matière de couverture complémentaire du risque prévoyance des salariés ?

Le risque prévoyance se rapporte essentiellement à un risque de réduction ou de disparition des capacités de gains pour raisons de santé : incapacité temporaire de travail (risque incapacité), incapacité permanente de travail (risque invalidité), décès… Contrairement au risque de dépenses de soins qui est très bien couvert par la Sécurité sociale, laissant un rôle complémentaire minoritaire aux organismes privés d'assurance, les risques relatifs à la prévoyance le sont moins bien, laissant une place potentielle plus large à une couverture du risque par le marché.
Alors que la couverture complémentaire du risque de dépenses de soins fait l'objet d'une régulation très forte (complémentaire santé solidaire, complémentaire d'entreprise obligatoire, contrats responsables…), la couverture complémentaire du risque prévoyance est peu régulée. Malgré un marché potentiel large, la prévoyance ne s'est pas développée à la hauteur des enjeux qu'elle porte, à savoir couvrir des sinistres très coûteux qui peuvent plonger le salarié, comme sa famille, dans des situations de vulnérabilité, voire dans certains cas de forte précarité.

2/ Quelles sont les principales inégalités en termes de prévoyance ?

Les expositions aux risques professionnels varient selon les métiers avec une surexposition aux risques pour les ouvriers ou les employés de commerce et de services, mais aussi selon les secteurs, avec des risques accrus dans l'agriculture, l'industrie ou la construction (enquête Sumer, Dares).
Cependant, la règlementation impose une couverture prévoyance uniquement pour les cadres, soit la catégorie professionnelle la moins exposée aux risques professionnels mais aussi celle déclarant un état de santé général meilleur que le reste de la population. La couverture prévoyance d'entreprise est aussi moins fréquente dans certains secteurs exposés aux risques, comme l'agriculture, le commerce, l'hébergement et la restauration, ou les autres activités de services (enquête PSCE, Drees-Irdes).
Au total, ce sont en moyenne les salariés en moins bonne santé, les plus exposés aux risques, et bénéficiant des rémunérations les plus modestes qui sont le moins souvent couverts par un contrat de prévoyance complémentaire.
Le Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance maladie (Hcaam) dans son rapport de janvier 2021 souligne l'importance de la négociation collective de branche ou d'entreprise pour mieux couvrir ces risques.

3/ Comment évoluent ces inégalités dans le temps ?  

Malheureusement, l'observation de la couverture prévoyance dans les enquêtes statistiques n'est ni régulière, ni suffisamment approfondie et il est difficile de répondre précisément. La dernière enquête sur le thème, l'enquête Protection sociale complémentaire d'entreprise (PSCE), a été menée en 2017 par la Drees et l'Irdes et a principalement porté sur la complémentaire santé d'entreprise plutôt que sur la prévoyance, son objectif premier étant d'évaluer la généralisation de la complémentaire santé en entreprise.
Cette enquête a néanmoins permis de montrer que la couverture prévoyance d'entreprise avait progressé en bénéficiant de la généralisation de la complémentaire santé d'entreprise grâce à la négociation sociale dans les entreprises stimulée par l'obligation d'assurance santé. Mais la proportion d'entreprise couverte reste très inférieure à la couverture en santé, et cette enquête ne permet pas d'observer les niveaux de garanties souscrits en prévoyance.
Dans le cadre de son programme de recherche, l'Irdes instruit la faisabilité de renouveler l'enquête PSCE dans les années à venir, en faisant évoluer l'enquête de manière à mieux observer les garanties prévoyances souscrites par les entreprises. Au-delà des entreprises, la question de l'observation de la couverture prévoyance des fonctionnaires ou des travailleurs non-salariés est aussi un défi à relever…