3 QUESTIONS À...


1/ Qu'est-ce que l'Electroconvulsivothérapie (ECT) et comment sa perception a-t-elle évolué au cours du temps ?

L'électroconvulsivothérapie, qui figure parmi les traitements recommandés pour le soin des troubles psychiques sévères ne répondant pas aux prises en charge usuelles, est une procédure qui consiste à déclencher une crise d'épilepsie sous anesthésie générale. Après s'être rapidement répandue dans le monde occidental à la fin des années 1930, cette pratique, concurrencée par l'arrivée des médicaments psychotropes, est largement critiquée, notamment en raison de pratiques abusives durant la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est que dans les années 1970-80, en lien, d'une part, avec la mise en évidence des limites des traitements psychotropes (effets secondaires, pharmacorésistance), et, d'autre part, avec la démonstration de l'efficacité de l'ECT dans des essais cliniques randomisés, que ce traitement est réhabilité. Des recommandations de bonnes pratiques sont alors publiées dans de nombreux pays, dont la France. Néanmoins, si de nombreuses études scientifiques concluent au bénéfice et à l'innocuité de ce mode de prise en charge pour les personnes avec des troubles psychiques sévères et résistants en comparaison à la prise de médicaments psychotropes au long cours, l'ECT demeure associée à des représentations sociales négatives et des débats persistent au sein même de la littérature scientifique. L'absence de données récentes sur le recours à l'ECT, soulignée par de nombreux acteurs, contribue à alimenter les craintes vis-à-vis de cette pratique qui demeure méconnue. Dans ce contexte, la mise à disposition d'un recueil complémentaire des actes d'ECT en France en 2017, visant l'exhaustivité, a servi de point de départ à notre recherche qui permet de mobiliser des données à grande échelle pour mieux documenter le recours à ce traitement.

2/ Quelles sont les personnes qui reçoivent une prise en charge par ECT en France ? Leurs caractéristiques sont-elles en accord avec les recommandations de bonnes pratiques ?

En accord avec les recommandations de bonnes pratiques, l'ECT constitue une prise en charge hyper-spécialisée qui a concerné 3 705 personnes pour 44 668 actes et un peu plus d'1 % des adultes hospitalisés au moins une journée à temps plein en psychiatrie en France en 2019. Ces personnes sont plus âgées, plus souvent de sexe féminin, ont des diagnostics de troubles plus sévères ou complexes et présentent davantage de marqueurs de sévérité que les autres personnes hospitalisées selon les mêmes modalités, caractéristiques cliniques qui sont également en accord avec les recommandations de bonnes pratiques. Ces dernières sont néanmoins anciennes et mériteraient d'être actualisées, notamment en intégrant le point de vue des personnes ayant expérimenté l'ECT. Par ailleurs, de fortes variations dans l'adressage vers ce traitement sont observées entre les établissements en charge du suivi psychiatrique et elles ne sont pas uniquement associées à des caractéristiques des personnes prises en charge, ce qui interroge.

3/ Pourquoi le recours à cette thérapie est-il aussi disparate sur le territoire ?

Au-delà des différences dans les caractéristiques des patients suivis, nos résultats soulignent qu'une part non négligeable des variations du recours à l'ECT entre établissements est expliquée par des caractéristiques de l'offre de soins : en particulier le type d'établissement assurant le suivi psychiatrique et la distance avec le plateau technique d'ECT le plus proche. Ce constat souligne l'hétérogénéité de la prise en charge des troubles psychiques sévères et résistants alors que la psychiatrie en France a été initialement pensée et organisée de manière à couvrir l'ensemble du territoire dans le cadre de la sectorisation. L'absence de gradation et de spécialisation des soins en psychiatrie ainsi que son cloisonnement vis-à-vis des autres spécialités médicales, issues de cette organisation historique, pourrait expliquer en partie l'hétérogénéité de recours à l'ECT, traitement à indications limitées concernant un nombre restreint de situations cliniques. Si cette pratique hyper-spécialisée n'a pas vocation à être disponible en proximité, son accès doit être facilité par une meilleure coordination des soins entre services assurant le suivi régulier et ceux offrant des prestations spécialisées.