3 QUESTIONS À...


1/ Quelles principales évolutions distinguez-vous concernant les soins psychiatriques sans consentement depuis dix ans en France, dans un contexte de volonté des pouvoirs publics d'en réduire l'usage ?

Nos résultats montrent une hausse sensible du recours aux soins sans consentement entre 2012 et 2021 : +14 % de personnes suivies au moins une fois sans leur consentement contre +9 % pour celles suivies exclusivement librement en psychiatrie sur la période. Ainsi, malgré une volonté politique de réduire ce recours, clairement énoncée dans la Feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » depuis 2018 et répétée dans le cadre des bilans successifs de son avancement, l'évolution sur longue période reste dynamique. Ce constat demeure à nuancer par une augmentation moins marquée du recours aux soins sans consentement depuis 2015, avec même une légère diminution de ce recours depuis 2020, qui semble se poursuivre en 2021. Toutefois, ces évolutions récentes sont à replacer dans le contexte spécifique de la pandémie de Covid-19 qui a fortement impacté l'activité des établissements de santé, avec une réduction qui a atteint 8 % pour le nombre de personnes hospitalisées à temps plein et seulement 1 % pour celles hospitalisées sans leur consentement.

2/ Pourquoi le recours aux soins en cas de péril imminent, mesure encadrée pour être exceptionnelle, connaît-il une telle croissance sur la période ?

Les soins en cas de péril imminent ont en effet été pensés comme une mesure d'exception permettant la prise en charge en urgence de personnes isolées, pour lesquelles aucune demande de soins n'est émise par un tiers. Et ce dans le cas où leur état psychique nécessiterait des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale, mais altérerait la conscience de leurs troubles ou du besoin de soin ne leur permettant pas d'y consentir. Le constat de l'augmentation de ces soins depuis leur mise en place en 2011 avait déjà été fait lors d'états des lieux antérieurs du recours aux soins psychiatriques sans consentement à l'échelle nationale, mais nos résultats confirment le caractère durable de cette tendance. Elle suggère que les soins en cas de péril imminent pourraient être mobilisés en dehors de leur objectif initial : par exemple, lorsque les proches préfèrent ne pas être impliqués dans une demande de soins sans consentement - une diminution des soins sans consentement sur demande d'un tiers étant observée en parallèle - ou dans des contextes d'urgence où les équipes soignantes connaissent moins les personnes prises en charge et n'ont pas toujours les ressources pour rechercher les tiers à contacter avant d'admettre la personne en hospitalisation.

3/ De quelles informations inédites disposez-vous en matière d'isolement et de contention ?

La mise à disposition des données d'isolement et de contention en psychiatrie à l'échelle nationale demeure récente (pour la contention notamment) et leur exploitation et interprétation doivent être faites avec prudence car il est probable qu'elles ne soient pas encore tout à fait exhaustives. Malgré cela, les premiers chiffres interpellent déjà : nous observons une augmentation continue du recours aux mesures d'isolement entre 2012 et 2018 et une légère inflexion en 2019 qui n'est pas durable puisque l'année 2020 - marquée par la pandémie de Covid-19 et son impact sur les services de santé - se distingue par un fort accroissement du recours à ces mesures. Si leur ampleur est en baisse en 2021, elle reste cependant plus élevée qu'avant la crise sanitaire. En parallèle, les premières estimations disponibles sur le recours à la contention mécanique font état d'environ 10 000 personnes concernées en 2021, soit plus d'une personne hospitalisée sans son consentement sur dix, mais l'ensemble des établissements ne font pas encore remonter ces informations de manière exhaustive. A la suite de ces premiers résultats, il apparaît désormais nécessaire d'améliorer continuellement la qualité, l'exhaustivité et la diffusion de ces données pour soutenir une modification des pratiques et contribuer à l'objectif politique d'une réduction des pratiques privatives de liberté en psychiatrie.