3 QUESTIONS À...


1/ Quels sont les spécificités du système d'assurance santé en France et le contexte particulier de votre étude ?

En France, la place accordée à l'assurance maladie privée dans l'organisation mixte publique/privée du système d'assurance est très spécifique. Sa fonction essentiellement complémentaire concerne la quasi-totalité des postes de soins. Sa couverture est très étendue dans l'ensemble de la population : 96 % bénéficie d'une complémentaire santé en 2019. Elle finance une partie importante des dépenses de santé : 13 % de la consommation de soins et de biens médicaux en 2019. L'étendue de la complémentaire santé dans la population et son rôle dans le financement des dépenses de santé résultent des nombreux dispositifs qui ont été mis en place par les décideurs publics pour tenter de favoriser la diffusion de la complémentaire santé - jusqu'à chercher à la généraliser - tout en encadrant son fonctionnement. Il s'agissait alors de chercher à réduire les barrières financières d'accès aux soins en limitant les dépenses publiques et en conservant l'organisation actuelle mixte du système d'assurance. Pourtant, alors que le taux de personnes sans complémentaire santé est au plus bas, ces réformes qui favorisent les contrats collectifs et qui sont amenées à se poursuivre - la généralisation de la complémentaire santé dans la fonction publique est attendue en 2024 - peuvent aussi conduire à laisser une partie de la population faire face aux primes élevées des contrats individuels. Cette situation participerait de renforcer les difficultés d'accès à la complémentaire santé des personnes en situation de précarité ne pouvant bénéficier de la Complémentaire santé solidaire (CSS) ou d'une couverture collective.

2/ Qui sont les personnes non couvertes par une complémentaires santé en 2019 ?

En 2019, l'absence de couverture par une complémentaire santé concerne près de 4 % de la population de France métropolitaine âgée de 15 ans et plus. Les individus les plus précaires, et notamment ceux appartenant au premier décile de niveau de vie, ainsi que les chômeurs et les inactifs, restent toutefois toujours autant concernés par l'absence de complémentaire santé, tout comme les retraités les plus pauvres, qui font face aux primes d'assurance les plus élevées. Ainsi, la proportion de personnes sans couverture est multipliée par 3 parmi les retraités du premier quintile de niveau de vie (11 %), multipliée par près de 4 chez les chômeurs (14 %) et même par 5 (20 %) parmi les personnes au chômage depuis 12 à 24 mois. Comparativement à la situation qui prévalait avant la généralisation de la complémentaire santé d'entreprise, le revenu reste un déterminant majeur, toutes choses égales par ailleurs, de la souscription d'une complémentaire santé. Son rôle s'est toutefois légèrement atténué là où celui du statut d'emploi a été renforcé. Les préférences individuelles vis-à-vis du risque ne permettent plus en revanche d'expliquer l'absence de complémentaire. Par ailleurs, la complexité des démarches administratives est un frein à l'accès à la complémentaire des individus les plus modestes.

3/ Comment ces résultats peuvent-ils contribuer à alimenter la réflexion sur notre système d'assurance ?

Ces résultats rappellent avant tout que les personnes les plus souvent sans complémentaire santé sont celles qui sont en dehors de l'emploi. Ils questionnent ainsi la volonté de chercher à généraliser la couverture complémentaire collective par le biais des employeurs. En effet, non seulement ces réformes ne ciblent pas les populations les plus souvent non couvertes mais en plus elles induisent un transfert important d'assurés des contrats individuels vers les contrats collectifs. Ce transfert conduit à renforcer la segmentation des risques sur le marché de la complémentaire santé et ainsi, in fine, à renforcer les difficultés d'accès à la couverture pour les personnes les plus modestes ou les plus âgées. Le statut d'emploi étant le déterminant le plus important de la souscription d'une complémentaire santé, ces résultats mettent également en lumière les risques de perte de couverture lors de changements de carrière. Et ce malgré le dispositif de la portabilité pour les chômeurs anciennement salariés du secteur privé et malgré l'existence de la loi Evin pour les retraités. Ils questionnent enfin en creux la question du choix de couverture qui a été peu considérée par les décideurs publics qui ont surtout cherché, en régulant toujours plus le marché de la complémentaire santé, à combler les failles de l'assurance publique.