3 questions à... Fanny Duchaine à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 270 intitulé : « Inégalités territoriales de répartition des infirmières libérales : quel impact des restrictions à l'installation en zones sur-denses et des incitations financières en zones sous-denses ? », rédigé avec Guillaume Chevillard et Julien Mousquès
Septembre 2022
Depuis 2010, les pouvoirs publics ont décidé d'expérimenter puis de mettre en place, en 2012, un dispositif de régulation démographique de l'offre globale en soins infirmiers. Son objectif est de réduire les inégalités de répartition des infirmières et infirmiers libéraux et d'améliorer l'accessibilité aux soins. Cela passe par des mesures visant, d'une part, à favoriser l'installation ainsi que le maintien dans les zones les moins dotées et, d'autre part, à réguler les conventionnements là où l'offre est la plus dense. Pour ce faire, un score a été calculé pour chaque bassin de vie et pseudo-cantons, qui a permis de réaliser un classement en cinq types de zones allant de très sous-dotées à sur-dotées. Ainsi, dans les territoires considérés comme sur-dotés, des restrictions de conventionnement ont été mises en place. A l'inverse, dans les zones où les territoires sont très sous-dotés, les infirmières libérales peuvent bénéficier d'aides à l'installation ou à l'exercice.
Afin d'évaluer l'impact de ces mesures, nous avons étudié l'évolution d'indicateurs d'offre (densités) et d'activité (nombre d'actes par habitant) infirmière de 2006 à 2016 entre les différents types de zones en regroupant les territoires dans lesquels aucune mesure ne s'appliquait. Néanmoins, les caractéristiques des territoires ou d'autres éléments conjoncturels peuvent également venir influencer les tendances observées. C'est pourquoi, pour chaque territoire où une mesure incitative ou coercitive s'applique (traités), nous avons cherché des territoires intermédiaires avec les mêmes caractéristiques (témoins). Si l'on constate des différences entre l'évolution dans les témoins par rapport aux traités, on peut ainsi considérer qu'elles sont liées au dispositif de régulation démographique.
Dans les zones sur-dotées, l'impact des mesures restrictives est très net avec des densités qui diminuent mais avec une offre, en termes d'actes par habitant, qui se maintient malgré tout. L'efficacité dans les territoires les moins dotés est plus nuancée. Il y a bien une évolution positive de la densité et du nombre d'actes par habitants, mais celle-ci est modeste comparée aux espaces témoins intermédiaires. Somme toute, entre 2006 et 2016, on observe une réduction des inégalités territoriales entre espaces, principalement liée à une moindre évolution dans les zones les mieux dotées et à une progression dans l'ensemble des autres zones. L'impact de ces mesures de régulation sur l'installation est particulièrement marqué pour les infirmières de moins de 40 ans, si bien que l'on observe pour ces dernières une convergence de la densité entre les différentes zones, ce qui permet d'envisager un effet à long terme de ce rééquilibrage territorial.