3 QUESTIONS À...


3 questions à... Guillaume Chevillard à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 282 intitulé : « Les médecins généralistes libéraux diplômés à l'étranger contribuent à renforcer l'offre de soins dans les zones sous-dotées », rédigé avec Véronique Lucas-Gabrielli (Irdes) et Julien Mousquès (Irdes, EHESP), en collaboration avec Yasser Moullan (Institut Convergences Migrations, International Migration Institute, Irdes), et en partenariat avec le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom)

Octobre 2023

1/ Combien de médecins diplômés à l'étranger exercent en France et quels sont leurs profils ?

Dans cette étude, à partir des données du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), nous pouvons distinguer les médecins selon leurs lieux de naissance et de formation (en France ou ailleurs) entre 2007 et 2017. On recense ainsi en 2017, 53 711 médecins généralistes libéraux en activité régulière. Parmi eux, 45 182 sont nés et formés en France, 6 628 sont étrangers et diplômés en France, 1 808 sont nés et diplômés à l'étranger, tandis que les médecins français et diplômés à l'étranger sont encore peu nombreux (93) en 2017. Il est important de souligner que si le nombre de médecins nés et diplômés à l'étranger demeure modeste, leurs effectifs connaissent une forte progression depuis 2007 (+114 % entre 2007 et 2017), contrairement à ceux des médecins français ou étrangers diplômés en France. Cette croissance de la part des médecins nés et diplômés à l'étranger se poursuit après 2017 selon les données de l'atlas de la démographie médicale du Cnom.

2/ Dans quels types de territoires s'installent-ils ?

Pour définir le type de territoires, nous mobilisons une typologie des territoires de vie de France métropolitaine construite pour analyser les soins de premiers recours et leur accessibilité. Parmi les six types de territoires identifiés, deux types se distinguent par de forts déséquilibres entre offre et besoins de soins : des espaces périurbains et les marges rurales, tous deux sous-dotés en offre de soins.
Nous privilégions deux approches pour analyser l'installation des médecins nés et diplômés à l'étranger. Tout d'abord, une approche globale sur l'ensemble des généralistes qui exercent en France en 2017 pour appréhender l'ensemble des comportements d'installations des différentes générations de médecins selon leur lieu de naissance et de diplôme. On constate ainsi que les médecins nés et diplômés à l'étranger sont principalement implantés dans les villes centres (30 %), puis dans les marges rurales (21,6 %). Ensuite, l'analyse se focalise sur les primo-inscriptions à l'Ordre des médecins depuis 2007 pour analyser les tendances les plus récentes d'installation. On constate alors que ceux nés et diplômés à l'étranger s'installent principalement dans les marges rurales (41,6 %), puis dans les espaces périurbains (21,5 %). Dans les deux cas de figure, il est intéressant de comparer ces comportements d'installation avec les médecins diplômés en France pour se rendre compte que les médecins nés et diplômés à l'étranger vont globalement davantage qu'eux dans les marges rurales, tendance encore plus marquée pour les primo-inscrits.

3/ Contribuent-ils à lutter contre les « déserts médicaux » ?

Oui, pour partie. D'abord, les résultats précédents montrent qu'ils s'y installent davantage que leurs homologues formés en France. Nous avons complété cette approche par deux analyses supplémentaires : une au niveau des individus et une autre au niveau territorial. Pour les médecins généralistes libéraux, on cherche à expliquer la probabilité d'installation et de maintien à cinq ans dans un territoire donné sachant leur âge, leur sexe et leur lieu de diplôme. Nous confirmons l'effet fort du diplôme étranger, à âge et sexe égaux, sur l'installation dans les "déserts médicaux" mais à horizon de cinq ans, ils sont aussi plus mobiles et restent moins souvent sur leur lieu d'installation initial. Ensuite, au niveau territorial, nous estimons l'impact de l'arrivée de médecins nés et diplômés à l'étranger sur l'évolution de l'offre médicale comparativement à des territoires « similaires » sans arrivées. Malgré des flux modestes et leur plus grande mobilité, l'effet de l'arrivée des médecins nés et diplômés à l'étranger reste positif à quatre ans dans les territoires sous-dotés. Ces résultats illustrent, en creux, une moindre attractivité des marges rurales pour les médecins diplômés en France et une plus grande dépendance aux flux de médecins diplômés à l'étranger dans l'évolution de leur densité médicale.