3 questions à... Kévin Jean, à l'occasion de la parution du Questions d'économie de la santé n° 303 intitulé : « Les politiques climatiques sont aussi une opportunité pour la santé publique »
Décembre 2025
En effet, une large majorité de l'effort de recherche sur les liens entre climat et santé porte sur les impacts du changement climatique sur la santé. C'est une recherche indispensable bien sûr, pour des enjeux de préparation aux risques et d'adaptation. Mais il est également important de s'intéresser aux effets de politiques climatiques, surtout quand ces effets sont largement positifs. Cela permet de présenter les deux aspects du problème : ne pas se contenter de documenter les coûts sanitaires et humains à l'inaction climatique, mais mettre aussi en avant les bénéfices à l'action. C'est une façon peut-être plus engageante de présenter l'action climatique, et de montrer en quoi elle représente une opportunité en santé publique.
C'est précisément ce que porte la notion de co-bénéfices : réduire les émissions de gaz à effet de serre et viser la neutralité carbone permet évidemment d'atténuer les conséquences du changement climatique sur la santé humaine à moyen ou à long terme, ce qu'on peut considérer comme un bénéfice de l'action climatique au sens classique. Mais agir pour le climat implique également de faire évoluer sur le court terme certains grands déterminants de la santé humaine, c'est de cela dont il est question quand on parle de co-bénéfices sanitaires.
Réduire les combustions d'énergies fossiles, que ce soit dans nos logements, nos usines ou nos véhicules, revient à réduire les émissions de polluants atmosphériques (notamment les particules fines et le dioxyde d'azote) et donc à améliorer la qualité de l'air. Favoriser les transports actifs (marche, vélo, etc.) et les transports en commun (car il faut marcher jusqu'à l'arrêt pour aller prendre le bus), cela permet de favoriser l'activité physique, une excellente façon d'améliorer notre santé et d'éviter un grand nombre de maladies induites par le manque d'activité. Réduire les aliments d'origine animale dans nos assiettes, c'est également une façon de se rapprocher des recommandations nutritionnelles et donc de lutter contre certaines maladies chroniques.
Les travaux que nous menons nous apprennent tout d'abord que ces co-bénéfices sont multiples : qualité de l'air, alimentation, activité physique, mais aussi confort thermique des logements, amélioration du cadre de vie… Il y a de nombreuses façons par lesquelles les politiques climatiques peuvent améliorer la santé publique. Ensuite, il ne s'agit pas de bénéfices modestes : on parle bien d'une partie considérable de la mortalité prématurée qui pourrait être évitée. En ce sens, les politiques climatiques peuvent et doivent être présentées comme des politiques de santé publique. Enfin, les analyses coûts-bénéfices montrent que les bénéfices des politiques climatiques, quand ils incluent la santé, excèdent le coût des investissements nécessaires. Ces éléments dévoilent tout un nouveau pan de l'utilité sociale et de la pertinence des politiques climatiques.
Le cadrage de l'action climatique sous l'angle de ses co-bénéfices de santé publique présente plusieurs avantages. D'une part, il est question ici de co-bénéfices de court terme : améliorer la qualité de l'air, augmenter l'activité physique, adopter des régimes plus sains, tout cela aurait un impact positif à court terme pour la santé publique. D'autre part, il s'agit de bénéfices non dilués, c'est-à-dire de bénéfices qui profiteront aux individus et aux populations qui auront consenti aux efforts, quoi que fassent les autres pays. Si demain la France était le seul pays à atteindre la neutralité carbone, il ne ferait sans doute pas moins chaud en France que chez nos voisins, mais ce serait bien les Françaises et les Français qui seraient en meilleure santé.
C'est en cela que les co-bénéfices sanitaires à l'action climatique constituent un argument très fort en faveur de l'adoption de politiques climatiques. Ils mériteraient donc d'être plus systématiquement mis en avant, surtout dans la période récente où les engagements climatiques internationaux sont trop largement en dessous des objectifs de l'Accord de Paris.