3 QUESTIONS À...


1/ La recherche Diab-quali s'appuie sur une méthode qualitative : pouvez-vous nous en présenter les principales caractéristiques ?

L'enquête Diab-quali est une recherche socio-anthropologique qualitative adossée à l'enquête épidémiologique Entred 3 (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) de Santé publique France (SpF). Elle est le fruit d'un partenariat scientifique entre SpF, le laboratoire Icare de l'Université de La Réunion, chargé de la réalisation de l'enquête, et l'Irdes.

Nous avons réalisé cette recherche auprès de 84 personnes vivant avec un diabète de type 2, dans cinq régions - Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Ile de La Réunion. Notre échantillon est diversifié en termes de caractéristiques sociales et de ressources liées au système de santé, qui concernent notamment les moyens d'information en santé, l'offre de soins et la qualité perçue de la relation avec les professionnels de santé. Les entretiens semi-directifs nous ont permis d'explorer la manière dont ces personnes gèrent leur santé, au fil de l'évolution de la maladie, selon leur situation sociale et les ressources dont elles disposent.

Nous avons également mobilisé le concept de « littératie » en santé, concept polysémique et multidimensionnel, considéré ici comme un ensemble de compétences cognitives et sociales permettant aux personnes d'accéder aux informations en santé, de les comprendre, de les évaluer et de les mobiliser. Les entretiens ont été analysés en prenant appui sur la grille « Diabète littératie santé », issue de la recherche qualitative ERMIES-Ethnosocio menée précédemment auprès de personnes vivant avec un diabète sur l'île de La Réunion. Cette grille permet d'approcher la littératie en santé, à travers les rapports que les personnes entretiennent à leur maladie et à certaines dimensions de sa gestion, comme l'alimentation, l'activité physique, le traitement médicamenteux et la surveillance de la maladie.

2/ Pour les personnes vivant avec un diabète de type 2 que vous avez interrogées, quelles sont les principales manières de gérer leur santé mises en exergue dans votre recherche ?

Si les personnes interrogées ont des profils diversifiés, il faut souligner que l'échantillon est particulier, dans le sens où la plupart d'entre elles déclarent adhérer au traitement recommandé. Dans le travail quotidien de gestion de leur santé, leurs logiques d'action sont liées notamment à leur littératie en santé et à leurs rapports différenciés à l'alimentation, à l'activité physique, ainsi qu'au traitement et au suivi de la maladie. Le soutien social dont ces personnes disposent, tout comme les ressources accessibles dans leur environnement, sont également des facteurs importants. Ainsi, les bénéfices de l'alimentation et de l'activité physique sont connus des personnes, qui cherchent à les ajuster au quotidien en tenant compte de leurs contraintes propres, avec une capacité plus ou moins grande à développer des stratégies adaptées aux changements et aux imprévus qui peuvent intervenir dans leur vie. En revanche, pour ce qui est du traitement médicamenteux et du suivi de la maladie, les personnes disent appliquer généralement « à la lettre » les prescriptions de leur médecin généraliste, principal référent concernant la gestion du diabète.

Par ailleurs, le soutien de l'entourage au quotidien et l'accompagnement des professionnels de santé lors des rendez-vous de suivi, apparaissent comme des éléments cruciaux pour faciliter le suivi des recommandations. Or, de nombreuses personnes rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre de certaines recommandations, comme celles concernant leur activité physique et, à l'heure actuelle, le soutien apporté par les professionnels de santé se révèle souvent peu développé.

3/ Quels enseignements en tirer, notamment pour les professionnels de santé ?

Les pratiques et les besoins varient d'une personne à l'autre et au fil du temps, ce qui invite les professionnels de santé à prendre en considération la littératie en santé de chaque personne et les rapports qu'elle entretient à la gestion de sa santé, ainsi que le soutien social et les ressources auxquelles elle a accès pour être accompagnée au quotidien et dans la durée. Ces résultats invitent en premier lieu à investir davantage la dimension relationnelle des soins, à utiliser un langage clair et adapté à la littératie de chacun, et à développer une posture éducative tenant compte des ressources de la personne, via des techniques de communication favorisant l'écoute active et la reformulation. Ces résultats invitent également à accompagner chaque personne dans le développement d'un réseau lui permettant d'accéder à plus de soutien, en fonction de ses besoins. Il peut s'agir par exemple d'associations de patients, d'infirmières en pratique avancée, d'infirmières de santé publique exerçant dans le cadre du dispositif Asalée, d'éducateurs en activité physique adaptée, de diététiciennes, mais aussi de programmes d'éducation thérapeutique, qui constituent des ressources précieuses pour le maintien à long terme d'habitudes de vie favorables à la santé.