3 questions à... Marie Bonal, Cindy Padilla, Guillaume Chevillard et Véronique Lucas-Gabrielli à l'occasion de la parution du Document de travail n° 93 intitulé : « Une approche multiprofessionnelle de l'accessibilité aux soins de premier recours : des configurations territoriales très diverses »
Mars 2025
Il s'agit ici de renouveler la description de l'accessibilité aux soins de premier recours à partir d'une approche pluriprofessionnelle tenant compte du médecin généraliste, de ses partenaires du quotidien (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pharmacies), de ceux servant d'appui au diagnostic (laboratoires et radiologues) et des services d'urgences.
Si la littérature sur les inégalités spatiales d'accessibilité aux soins est importante, les approches mesurant l'accessibilité à plusieurs professionnels de santé sont plus rares. Pourtant, le renforcement de la coopération multiprofessionnelle, le partage de compétences et le développement des rôles avancés pour les auxiliaires médicaux sont considérés comme des mécanismes majeurs pour améliorer la disponibilité et la qualité des soins.
La classification permet également de mettre en regard de l'accessibilité aux soins d'autres dimensions telles que son évolution et les besoins de soins de la population, qui mettent en évidence une variété de configurations de l'accessibilité aux soins de premier recours.
Nous proposons une classification spatiale des communes françaises centrée sur le niveau et l'évolution de l'accessibilité aux soins de premier recours en relation avec les besoins de soins de la population.
Cette classification spatiale, basée sur des données de 2019-2020, met en avant des disparités d'accessibilité assez claires entre les communes françaises. Nos résultats montrent sept classes de communes. Deux d'entre elles sont constituées de communes rurales avec une moindre accessibilité aux soins et moins attractives, principalement situées à l'intérieur des terres ou dans la moitié nord de la France. Elles cumulent les situations défavorables dans tous les domaines : une plus faible accessibilité à de multiples professions, des besoins élevés et une faible dynamique de l'offre de soins. D'autres types de communes, situées dans des régions mieux desservies sur le plan médical, comme les côtes ou les grandes villes, cumulent à l'inverse des situations beaucoup plus favorables. Enfin, certaines classes mettent en évidence des communes rurales ou périurbaines éloignées de grands pôles où le niveau d'accessibilité à certains professionnels de santé est plus mitigé. Ces configurations soulèvent des interrogations quant à l'efficacité de la prise en charge des patients, auxquelles s'ajoutent les difficultés potentielles relatives à l'importance des besoins et à une diminution de l'offre de soins.
Nos résultats ont également révélé que certaines communes, bien que situées dans des zones rurales isolées, présentent un niveau d'accessibilité aux médecins généralistes plus élevé. Cela pourrait s'expliquer par le rôle des petites centralités (bourgs, petites villes) dans la fourniture de services de proximité.
Ce constat illustre une diversité importante de configurations qui affine le diagnostic sur les zones avec une plus faible accessibilité aux soins. Ces territoires, souvent qualifiés du terme générique de « déserts médicaux », recouvrent des réalités très différentes. Nos résultats permettent ainsi de questionner les mesures pour attirer ou maintenir des professionnels de santé en tenant compte des particularités locales.
Les réponses à apporter dans les classes rurales (faiblement attractives, à la population plus âgée et plus éloignée des pôles de services et d'emploi) n'étant pas les mêmes qu'ailleurs, d'autres réponses doivent être conçues pour assurer la continuité des soins de ces zones (médicobus, consultations délocalisées…) à une échelle territoriale cohérente. A l'inverse, dans certaines zones sous-dotées, les organisations de soins pluriprofessionnelles et coordonnées doivent continuer à être encouragées, afin d'optimiser l'utilisation du temps disponible des professionnels de santé présents sur le territoire.
Localement, les situations peuvent cependant évoluer rapidement compte tenu des dynamiques démographiques différenciées selon les professions de santé. Une actualisation de ce travail avec les données les plus récentes est d'ores et déjà prévue et sera publiée dans les prochains mois.