3 QUESTIONS À... : JANVIER 2009







3 questions à... Nicolas Sirven, chargé de recherche à l'Irdes, coordonnateur de l'enquête SHARE.

1/ SHARE, l'enquête sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe, devient une enquête longitudinale. Pouvez-vous nous expliquer ?

Le projet de recherche Européen SHARE (Survey on Health, Ageing and Retirement in Europe) vise à constituer une base de données sur les questions sanitaires, sociales et économiques liées au vieillissement. Les données sont recueillies tous les deux ans auprès de ménages dont l'un des membres est âgé de 50 ans au moins. Il s'agit donc de données de panel puisque les répondants sont réinterrogés à intervalle régulier. D'une part, ce procédé rend plus aisé la compréhension des transitions entre trois phases importantes de la vie : avant la retraite, pendant la retraite et la fin de vie. D'autre part, il permet de dégager plus facilement des liens de causalité car on peut établir des séquences chronologiques d'évènements. Cette dimension longitudinale est essentielle pour analyser le vieillissement comme un processus dynamique et non plus comme une situation donnée.

La première vague d'enquête a eu lieu en 2004-05 dans 11 pays participants (plus Israël). La deuxième vague a eu lieu en 2006-07 dans le même groupe de pays, auquel sont venus s'ajouter l'Irlande, la Pologne et la République Tchèque. A terme, SHARE a pour objectif de s'étendre à l'ensemble des pays de l'Union européenne.

2/ Comparer des situations, voire des évolutions, d'un pays européen à l'autre, semble compliqué compte tenu des différences culturelles, historiques, institutionnelles très marquées sur le vieux continent.
Comment procédez-vous ?

Du point de vue de la recherche, ces différences sont un avantage ! L'Europe est constituée de zones géographiques finalement assez proches, mais qui présentent de fortes disparités en ce qui concerne les systèmes de santé, de retraite, etc. et dans les habitudes des populations en matière de recours aux soins, comportements à risques, participation au marché du travail, etc. En résumé, nous utilisons les spécificités nationales pour mettre en évidence l'adéquation entre comportements individuels et modes de régulation.

Toutefois, il est vrai que les comparaisons basées sur des évaluations subjectives peuvent être biaisées par la façon dont les gens comprennent les questions et y répondent. Ce problème peut être résolu par l'emploi de « vignettes étalon » : ce sont de courts scénarios fictifs décrivant la situation d'une personne. Les répondants évaluent l'état de santé dans lequel ils estiment que cette personne se trouve tout en évaluant leur propre niveau de bien-être sur la même échelle. Ils fournissent ainsi une valeur d'ancrage, basée sur une situation fictive commune à tous les enquêtés. On utilise les réponses à ces vignettes pour rendre comparables les évaluations subjectives entre les pays, les groupes socio-économiques, etc.

SHARE s'efforce ainsi d'améliorer la rigueur des comparaisons internationales. Les questionnaires « vignettes » ont été posés dans 11 pays de la vague 2 sur des thèmes comme la santé ou la satisfaction au travail. Pour une illustration des méthodes d'utilisation des vignettes, on peut se référer aux travaux de l'Irdes sur la comparaison des états de santé – DT2 (approche non paramétrique) et sur la comparaison de la satisfaction avec le système de soins – DT15 (approche paramétrique).

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3/ Même si les résultats de la vague 2 sont préliminaires, pouvez-vous nous exposer, d'ores et déjà, les plus marquants ?

La parution des premiers résultats issus de la vague 2 de SHARE (disponibles sur le site www.share-project.org) confirme les tendances observées en vague 1 et porte aussi un éclairage nouveau sur des phénomènes de transition (par exemple emploi-pension-retraite) jusqu'alors assez mal appréhendées.

En voici un florilège :

  • Les inégalités sociales et de santé persistent en Europe. Les données de la vague 2 de SHARE confirment les observations de la vague précédente: une situation socio-économique défavorable s'accompagne d'un état de santé moins bon. Les Européens ayant un faible niveau d'éducation ou de richesse sont plus fréquemment exposés à des maladies cardiovasculaires, à des cancers du poumon, à de l'arthrite ou à une incapacité.
  • L'assurance invalidité est fréquemment utilisée comme une transition vers la retraite. La majorité des individus âgés de 50 à 64 ans en vague 1 qui ne sont plus couverts par ce type de pension en vague 2 (soit 43 %), ont transité vers le système de retraite et seulement 15 % sont retournés sur le marché du travail (soit 13 % d'actifs occupés et 2 % de chômeurs). Ainsi, l'assurance invalidité sert souvent d'étape avant la retraite.
  • Les événements de la vie modifient l'utilisation des services de soins. On observe que la réduction de la taille du ménage, la cessation d'activité et les changements concernant l'assurance santé, accroissent significativement la probabilité d'avoir des visites médicales plus fréquentes. En revanche, il semble que les fluctuations du revenu, à la hausse comme à la baisse, ne modifient pas significativement les habitudes de recours aux consultations médicales.

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