3 QUESTIONS À... : DECEMBRE 2013







1/ La dépression recouvre des degrés de sévérité plus ou moins grands. Comment sont-ils définis ? Combien de personnes en sont atteintes ?

La dépression est un trouble de l'humeur qui résulte de l'interaction de facteurs tant psychologiques que biologiques et socio-environnementaux. Elle se distingue de la « déprime » par la durée et l'intensité de ses symptômes, la souffrance et les effets sur le quotidien qu'elle engendre (Sapinho et al., 2009). Cette pathologie psychique, l'une des plus répandues en France, est révélée par l'épisode dépressif majeur. Selon la classification américaine des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM), celui-ci se traduit par une humeur triste ou une perte d'intérêt ou de plaisir généralisée, presque permanente pendant deux semaines. La dépression comporte trois degrés d'intensité : légère, moyenne ou sévère avec ou sans caractéristiques psychotiques (présence d'idées délirantes ou hallucinations). Selon l'évolution de la maladie et la classification internationale des maladies (Cim-10), on différencie l'épisode dépressif isolé, le trouble dépressif récurrent à partir de deux épisodes dépressifs et les troubles de l'humeur persistants. La dépression est un trouble durable, à haut taux de récidive (jusqu'à 80 % sur la vie entière), de chronicisation (20 % à deux ans) et dont l'intensité varie au cours du temps.

En France, 3 millions de personnes souffriraient de dépression (Inpes, 2007). Et parmi les 2,1 millions de patients adultes hospitalisés pour motif psychiatrique ou pris en charge pour une affection de longue durée psychiatrique, plus d'un tiers souffre d'épisodes dépressifs caractérisés.

2/ Quelles sont les différentes modalités de prise en charge de la dépression en France ? et se dégage-t-il des spécificités selon que les établissements relèvent des secteurs public ou privé ? Accueillent-ils le même type de patients ?

C'est le médecin généraliste auquel recourent le plus les personnes atteintes de dépression (21 %), devant les psychiatres (13 %) et psychologues libéraux (7 %). Bien que les patients recourent moins aux établissements de santé (10 %), la dépression constitue le premier motif de recours aux soins des établissements ayant une autorisation d'activité en psychiatrie. Plus d'1,5 million d'adultes ont ainsi été suivis en psychiatrie en 2011 dans les établissements de santé français et une grande majorité en ambulatoire (hors hospitalisation) exclusivement (75 %) [Drees, 2012].

Sur 588 établissements de santé assurant une prise en charge hospitalière en psychiatrie, la moitié relève du secteur public. Les établissements publics proposent comme ceux du privé des prises en charge en psychiatrie à temps complet et partiel mais se distinguent en proposant une prise en charge ambulatoire. Ainsi, les patients suivis pour troubles dépressifs sont majoritairement accueillis dans le public (72 % versus 15 % dans le privé) tandis que ceux souffrant de troubles dépressifs sévères le sont surtout dans le privé.

La durée annuelle d'hospitalisation pour dépression de même que les taux de réadmission les plus faibles sont observés dans les établissements publics non spécialisés (services psychiatriques des centres hospitaliers) et nettement supérieurs dans les établissements privés à but lucratif, même à degré de sévérité équivalent. Ces différences paraissent davantage liées aux caractéristiques des établissements qu'à la gravité de la maladie. L'articulation du suivi ambulatoire en amont et en aval de l'hospitalisation pour dépression explique en partie cette moindre durée d'hospitalisation dans le public et permet sans doute d'éviter certaines réhospitalisations.

3/ Comment approfondir ce premier éclairage national sur la prise en charge de la dépression ?

Le recueil d'informations médicalisées en psychiatrie (Rim-P), mis en place en 2007 sur le territoire français, répondait à un manque : l'absence de données collectées en routine sur la prise en charge des troubles psychiatriques en établissements de santé. Le Rim-P nous a ainsi permis d'apporter un premier éclairage national de la prise en charge de la dépression jusqu'alors impossible.

Si d'importantes différences existent entre établissements publics et privés, inhérentes aux caractéristiques de leur offre de soins et à leurs interactions avec l'environnement, nous avons besoin d'approfondir l'analyse de cette variabilité. Les premiers résultats obtenus mériteraient d'être combinés avec des informations sur l'offre de soins ainsi que sur l'environnement socio-économique des patients. Enfin, pour obtenir une vision complète de la prise en charge de la dépression, le champ d'analyse doit s'étendre aux soins de ville.

Propos recueillis par Anne Evans

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