Effectivement, sur la période 2009-2012, nous montrons dans cette étude réalisée sur un sous-échantillon de 88 sites ENMR (25 centres de santé, 54 maisons et 9 pôles de santé pour 430 médecins généralistes comparativement aux 1 124 généralistes témoins exerçant isolément) que la productivité des généralistes, en simplifiant la quantité qu'ils « produisent » selon le nombre de jours travaillés dans l'année, est supérieure à celle de leurs témoins dans les maisons et pôles de santé, et plus particulièrement dans les maisons de santé les plus intégrées . Toutes choses égales par ailleurs, l'activité de médecine générale y est plus élevée que celle des témoins pour la taille de la file active (13,4 %), le nombre de patients inscrits médecins traitant (15,6 %) et, plus modestement, le nombre d'actes dispensés (2 %), excepté dans les maisons de santé les plus intégrées qui ont un nombre d'actes dispensés significativement supérieur à celui des témoins. Dans les centres de santé, les résultats sont plus contrastés.
Ces résultats valident ainsi l'hypothèse selon laquelle le regroupement de professionnels de santé permet d'accroître l'activité et la productivité, à travers le partage de la prise en charge des patients, sans pour autant réduire la continuité relationnelle avec eux, équivalente entre les sites ENMR et leurs témoins.
A partir d'un sous-échantillon de 94 sites ENMR (55 maisons de santé, 29 centres et 10 pôles) et de leurs témoins pour respectivement 0,3 et 2,7 millions de patients, nous montrons qu'entre 2009 et 2012, la dépense en soins ambulatoires annuelle des patients inscrits auprès d'un médecin traitant est plus faible dans les sites ENMR (-9 %). Cette différence, globalement due à une moindre dépense en soins de spécialistes, de paramédicaux et de pharmacie, existe surtout dans les maisons et centres de santé. Elle ne s'accompagne pas pour autant d'une augmentation de la dépense en soins de premiers recours. Toutes choses égales par ailleurs, nous montrons également que cette dépense est d'autant plus réduite que les maisons, pôles et centres de santé sont intégrés.
Ces résultats confirment que l'intégration pluriprofessionnelle des soins et services de première ligne engendre des gains d'efficience en matière de dépense ambulatoire comparativement à l'exercice standard. La proximité physique et la colocalisation conjuguées à d'autres dimensions de l'intégration, comme la coordination et la coopération pluriprofessionnelles, sont associées à une moindre dépense ambulatoire.
Cette partie spécifique de notre étude, réalisée à partir d'un sous-échantillon de 94 sites ENMR comparés à ceux des médecins généralistes de 94 Zones locales témoins (ZLT), a confirmé l'hypothèse selon laquelle le regroupement de différents professionnels de santé est susceptible d'améliorer la qualité des soins et services rendus probablement en favorisant le travail en équipe, la collaboration entre professionnels de santé et l'augmentation du recours aux technologies de l'information. En effet, sur la période 2009-2012, nos résultats montrent que, dans ces grandes dimensions, les pratiques des médecins généralistes des sites participant aux ENMR sont meilleures que celles de leurs homologues en exercice isolé en matière de : suivi des patients diabétiques de type 2, vaccination, dépistage et prévention ainsi qu'efficience de la prescription.
Notre étude a également conclu que l'ensemble de ces résultats (activité et productivité des généralistes, qualité des soins et services rendus, recours et dépense des patients) tenaient essentiellement aux différences initiales observées entre les maisons, pôles et centres de santé, pluriprofessionnels ou non, et leurs généralistes, sans être directement imputables à leur entrée dans les ENMR. Pour aller jusqu'au bout de la démarche et compléter ces résultats sur l'impact du regroupement pluriprofessionnel, des travaux sur la satisfaction et l'expérience des patients sont en cours.
Propos recueillis par Anne Evans