3 questions à... Marc Perronnin à l'occasion de la parution du rapport de l'Irdes intitulé : « Evolution de la dépense en part de complémentaire santé des bénéficiaires de la CMU-C », co-écrit avec Benoît Carré et co-édité avec le Fonds CMU-C
Décembre 2018
Le Fonds CMU-C suit la dépense moyenne par bénéficiaire remboursée au titre de la CMU complémentaire et établit tous les ans un rapport sur l'évolution de cette dépense. Or, il a constaté que depuis 2012, ce coût moyen décroît de manière persistante et ce, quel que soit le gestionnaire auprès duquel les bénéficiaires sont inscrits : Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam), Mutualité sociale agricole (MSA), Sécurité sociale des indépendants (SSI) ou Organismes complémentaires. Par exemple, pour les bénéficiaires inscrits auprès d'une Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam), l'évolution était de -1,4 % en 2013, -2,8 % en 2014, -0,7 % en 2015 et -1,7 % en 2016. Pourtant, la littérature montre que cette population aux niveaux de vie les plus faibles est souvent en moins bonne santé que la population générale. Nous nous sommes ainsi intéressés à la trajectoire suivie par la composante majeure de la dépense de complémentaire santé des bénéficiaires et des non bénéficiaires de la CMU-C : les tickets modérateurs. Les taux d'évolution annuelle des dépenses au titre du ticket modérateur sont systématiquement plus faibles chez les bénéficiaires de la CMU-C que chez l'ensemble des bénéficiaires du Régime général.
A la demande du Fonds-CMU, l'Irdes a cherché à comprendre cette dynamique et à fournir un outil de prévision à court terme (un ou deux ans) de ces dépenses.
Pour apporter des éléments d'explication concernant la baisse des dépenses remboursées au titre de la CMU-C, nous avons travaillé sur des données issues du Système national des données de santé (SNDS) et avons suivi, sur l'ensemble des semestres de 2011 et 2015, trois indicateurs qui composent la dépense : le fait de recourir au moins une fois aux soins, la dépense remboursable par l'Assurance maladie obligatoire et le ratio entre la dépense CMU-C et la dépense remboursable. Nous avons mis en regard l'évolution de ces quantités avec celles des caractéristiques socio-médicales (âge, sexe, être en affection longue durée (ALD), type d'organisme gestionnaire).
Nous constatons une diminution des dépenses CMU-C qui s'explique principalement par une diminution du taux de recours, et plus marginalement par une baisse de la dépense remboursable des individus qui consomment des soins. Une fois corrigées des différences concernant les caractéristiques socio-médicales observées (notamment l'âge et l'ALD), ces évolutions à la baisse persistent et sont identiques chez les individus qui ne bénéficient pas de la CMU-C. La différence d'évolution entre les individus qui bénéficient de la CMU-C et ceux qui n'en bénéficient pas est ainsi plutôt liée à un rajeunissement de la population des bénéficiaires de la CMU-C, et à l'entrée à partir de juillet 2013 - après le relèvement du seuil de revenu donnant le droit à la CMU-C - d'individus qui consomment globalement moins de soins.
L'enjeu est important dans la mesure où le dispositif, la CMU-C, est financé sur fonds publics, dans la limite des recettes obtenues à partir de la taxe de solidarité additionnelle. Les modèles de prévision, établis à partir de séries mensuelles colligées par le Fonds CMU-C, servent à fournir des prévisions de dépenses à l'horizon d'un an, par catégorie de gestionnaire de la CMU-C (Cnam, SSI ou MSA) et par poste de soins. Les dépenses prévues par le modèle ont été comparées à celles effectivement constatées, entre juin 2017 et mai 2018. Concernant la dépense totale, la qualité de prévision est généralement bonne, avec notamment une quasi-superposition des dépenses observées et prédites sur les trois premiers mois de 2017 et les trois premiers mois de 2018. Au-delà, en ce qui concerne les bénéficiaires dont le dispositif CMU-C est géré par la Cnam, la dépense continuerait à baisser tendanciellement. Cependant, la dernière hausse des tarifs des soins prothétiques dentaires d'octobre 2017, qui a tardé à produire ses effets, pourrait se traduire par une hausse de la dépense sur la deuxième partie de l'année 2018 et en 2019.
Ces estimations devront être revues lorsque la CMU-C sera étendue aux individus actuellement éligibles à l'Aide complémentaire santé (ACS). En effet, cette dernière population est susceptible d'être très différente en termes de besoins de soins, notamment parce qu'elle comporte beaucoup plus de personnes âgées ou bénéficiant de l'Allocation adulte handicapée (AAH).
Propos recueillis par Anne Evans