3 QUESTIONS À...


1/ Quel est l'objectif de votre étude ?

A partir des données chiffrées issues de l'Enquête santé et protection sociale (ESPS) 2014, parues cette année (Célant, Rochereau, 2017), nous souhaitions réaliser une photographie de la couverture complémentaire santé avant l'entrée en vigueur de la généralisation de la couverture complémentaire santé d'entreprise. Il s'agissait d'identifier clairement les populations qui en bénéficient et celles qui n'en disposent pas, et de décrire leurs profils. Nous avons ainsi étudié ces populations tant en termes de caractéristiques socio-économiques (revenu, âge, emploi…) que d'état de santé et de types de couverture santé et de contrat quand ils en avaient. Les bénéficiaires de contrats collectifs s'estiment par exemple mieux remboursés que ceux ayant un contrat individuel.
L'objectif à terme est de pouvoir étudier les effets de la généralisation de la couverture complémentaire santé d'entreprise avant et après sa mise en œuvre. Permet-elle de toucher les populations sans complémentaire et ainsi de réduire les inégalités d'accès à cette couverture ? La prochaine enquête Protection sociale complémentaire d'entreprise (PSCE), en cours, permettra de répondre en partie à ces questions.

2/ Quelles sont les populations les moins couvertes par une complémentaire santé ?

Le taux de personnes se déclarant sans complémentaire santé est de 5 %. Il reste inchangé depuis 2008, malgré l'augmentation du taux de pauvreté sur la période, mais grâce à des dispositifs comme la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou l'Aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS). L'absence de complémentaire santé est fortement liée au revenu : les chômeurs sont près de 16 % à ne pas en bénéficier, les personnes à faible revenu sont 12 %, les femmes au foyer 9 %, les personnes sans diplôme 8 % et les familles monoparentales 7 %. Par ailleurs, on trouve davantage de non-couverts parmi les personnes se percevant en mauvaise santé et chez les jeunes adultes entre 20 et 29 ans. Parmi les actifs en emploi, qui sont majoritairement couverts, 3,3 % des salariés du secteur privé ne bénéficient d'aucune complémentaire santé. C'est le cas aussi de 5,5 % des indépendants et de 1,4 % des salariés du secteur public. Pour ce qui concerne la complémentaire santé d'entreprise, les catégories socioprofessionnelles les moins couvertes par ce type de contrat sont, d'une part, les employés de commerce (47 %) et les ouvriers non qualifiés (49 %) ; et d'autre part, les salariés les plus jeunes (40 % des moins de 30 ans contre 30 % des 30-60 ans) et les femmes (34 % contre 27 % des hommes).

3/ Quels effets attendre de la généralisation de la complémentaire santé d'entreprise ?

On peut supposer que, dans le secteur privé, les salariés seront nettement plus souvent couverts par une complémentaire santé d'entreprise après la généralisation de cette couverture. Néanmoins, l'ampleur de cette hausse et son impact sur la couverture des ayants-droit dépendra du nombre de dispense d'adhésion et du nombre de contrats d'entreprises pouvant être étendus à des proches. Toujours pour les bénéficiaires d'un contrat collectif, il y aura de meilleures conditions tarifaires que pour les bénéficiaires de contrats individuels. Pour ce qui est des niveaux de garanties, l'issue est plus incertaine, étant conditionnée au fait que les employeurs, qui ne proposaient pas de couverture, souscrivent ou non des remboursements au-delà du minimum légal. En revanche, les salariés du secteur public, les indépendants et les retraités ne profiteront pas de l'extension de cette couverture, à moins que leur conjoint ou autre membre de leur famille puisse les en faire bénéficier en tant que salarié du privé. Majoritairement couvertes, ces populations déclarent plus souvent être mal remboursées pour les dépassements chez les médecins spécialistes, pour les lunettes et prothèses dentaires. Le nouveau cahier des charges des contrats responsables comprenant l'obligation de rembourser les tickets modérateurs sur la quasi-totalité des soins et en plafonnant certaines garanties pourrait contribuer à réduire cet écart entre contrats individuels et collectifs.

Propos recueillis par Anne Evans