3 QUESTIONS À...


1/ Qu'est-ce que la tarification à l'expérience appliquée aux entreprises ?

La tarification à l'expérience est un dispositif mis en œuvre dans les systèmes d'assurance des risques professionnels de différents pays. Ce mode de tarification consiste à moduler les cotisations versées par les entreprises au titre des risques professionnels selon leur propre expérience passée en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Il introduit ainsi un mécanisme de responsabilisation des entreprises en matière de sécurité au travail et devrait les inciter à réduire ces risques.
Cette incitation financière est généralement liée à la taille de l'entreprise. Les cotisations payées par les petites et moyennes entreprises sont modulées selon leur propre risque mais de façon relativement plus modérée que celles versées par les grandes entreprises. Les très petites entreprises, quant à elles, versent en général des cotisations qui ne dépendent pas de leur propre risque et relèvent d'un mode de tarification collectif. Il s'agit ainsi de ne pas faire peser sur les très petites, petites et moyennes entreprises un aléa financier qu'elles ne seraient pas en mesure de maîtriser ou qui pourrait les mettre en difficulté. Il y a donc un arbitrage opéré entre l'intensité de l'incitation et le risque de fragilisation de l'entreprise.

2/ Est-elle efficace en termes de limitations des accidents de travail dans les petites entreprises ?

Les estimations mettent en évidence une moindre incidence des taux d'accidents du travail liée au dispositif de tarification à l'expérience. Ce résultat peut s'expliquer par une meilleure responsabilisation en matière de sécurité au travail des entreprises sous tarification à l'expérience partielle. Cependant d'autres mécanismes explicatifs pourraient être évoqués. La question se pose notamment de savoir si les résultats obtenus pourraient être attribuables à une sous-déclaration des accidents du travail. Ils peuvent également refléter une sélection accrue des personnes dans l'emploi selon leur état de santé. Peu de travaux d'évaluation ont étudié cette question. La littérature empirique n'y apporte pas encore de réponse fermement établie.
Pour autant, dans notre étude portant sur la tarification à l'expérience partielle appliqué aux petites entreprises, l'incitation est modérée, ce qui peut limiter les risques d'effets pervers. Nos résultats sembleraient davantage attribuables à une meilleure responsabilisation des entreprises au maintien de la sécurité au travail. Ces conclusions devront toutefois être confirmées par d'autres analyses qui seront réalisées ultérieurement à partir de données complémentaires.

3/ Quels effets attendre de la réforme augmentant le taux d'individualisation des cotisations des petites entreprises ?

D'après nos travaux, cette augmentation de l'individualisation des cotisations devrait inciter davantage les entreprises à prendre des mesures permettant de limiter les accidents du travail. A partir de l'extrapolation des estimations réalisées, l'étude indique que cette augmentation des taux d'individualisation de l'ordre de 10 points de pourcentage pour les petites entreprises de 20 à 50 salariés se traduirait par une diminution moyenne de 5 accidents du travail pour 1 000 salariés dans ces entreprises. Cette évaluation ex-ante devra cependant être confirmée par de prochains travaux, qui permettront d'étudier la fréquence et la gravité des accidents et maladies d'origine professionnelle avant et après la réforme, et d'en comprendre les déterminants.

Propos recueillis par Anne Evans