3 QUESTIONS À...


3 questions à... Paul Dourgnon, Florence Jusot et Jérôme Wittwer à l'occasion de la parution des trois Questions d'économie de la santé sur les premiers résultats de l'enquête Premiers pas portant sur l'accès aux soins et à l'Aide médicale de l'Etat (AME) des personnes sans titre de séjour sur le territoire fran�ais.
(voir les Questions d'économie de la santé n° 243, n° 244 et n° 245)

Décembre 2019

1/ D'o� vient l'idée de cette enquête Premiers pas ?

Depuis la création de l'Aide médicale de l'Etat (AME) en 2000, aucune enquête statistique n'était venue analyser cette politique du point de vue de  l'accès aux droits et de l'accès aux soins des personnes qu'elle ambitionnait de protéger. Pourtant d'autres politiques comme la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), créée en même temps que l'AME, ou l'Aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) avaient et font toujours l'objet de nombreuses études. Il est vrai que l'AME ne représente qu'environ 0,5 % des dépenses de santé, mais elle occupe pourtant une place importante et parfois clivante dans le débat public, o� elle est la seule assurance publique de santé qui soit contestée, le principe de l'assurance publique santé de droit commun � la sécurité sociale � faisant quant à lui largement consensus. C'est pourquoi  nous avons construit ce projet pluridisciplinaire, o� se croisent approches anthropologiques et économiques, avec notamment cette enquête Premiers pas. Qui et combien accèdent effectivement à l'AME et pourquoi ? Quel est l'accès aux services de santé réel des bénéficiaires de l'AME ? Voilà les principales questions auxquelles cette enquête cherche à répondre.

2/ Que nous apprend l'enquête des personnes éligibles à l'AME ?

L'enquête nous apprend tout d'abord que la moitié des personnes qui y sont éligibles ne sont pas assurées à l'AME. Surprenant si l'on s'en tient à une rhétorique qui voudrait que les migrants soient attirés par la possibilité d'avoir des soins gratuits. Moins si l'on considère les taux de non-recours élevés à la CMU-C ou à l'ACS. Notons d'ailleurs que seuls 10 % des personnes de la population que nous étudions citent la santé parmi leur motif de migration. Donc plutôt qu'une ruée vers l'AME, c'est un important niveau de non-recours que l'on observe parmi les personnes en situation irrégulière éligibles à l'AME.

3/ Peut-on cependant penser que ce niveau d'accès est bas parce qu'une part des migrants, en mauvaise santé, ayant besoin de soins, s'assure à l'AME, alors que le reste de cette population est finalement jeune et en bonne santé ?

Non. Une large part des personnes déclarant des problèmes de santé aussi sérieux que des maladies infectieuses, ou le diabète, ne sont pas couvertes. Ce qui détermine avant tout le niveau de couverture, ce sont la durée de séjour et la ma�trise du fran�ais, autrement dit la capacité à interagir avec le système de santé. Même parmi les personnes en France depuis plus de cinq ans, près d'un tiers continuent à ne pas être couvertes.