3 QUESTIONS À...


1/ Quels sont les apports de la méthode d’analyse des séquences utilisée ?

L’analyse des séquences permet de visualiser et de décrire les parcours individuels ou trajectoires complexes. Cette méthode est largement utilisée dans les sciences sociales pour étudier les trajectoires biographiques ou les carrières professionnelles mais encore très peu pour l’analyse des données de santé malgré la richesse des données disponibles aujourd’hui. Nous l’avons appliquée ici au parcours de soins suivant la phase aiguë pour les patients victimes d’un primo-AVC et pour lesquels les possibilités de prise en charge sont multiples. L’originalité de notre approche est de proposer une analyse de séquences en deux étapes, en tenant compte successivement des lieux de prise en charge puis des professionnels de santé de ville lors d’une prise en charge majoritairement à domicile.
La période d’analyse des parcours concerne les trois mois suivant la sortie de la phase aiguë des survivants et correspond à la phase de rééducation. Pour cela, nous avons défini préalablement une liste de lieux de prise en charge pour chaque journée observée et repérable dans les données administratives du Système national des données de santé (SNDS), que ce soit les Soins de suite et de réadaptation (SSR) ou le domicile, par exemple. Puis, pour les patients pris en charge majoritairement à domicile, nous avons identifié l’ensemble des contacts avec les professionnels de santé de ville, en particulier les consultations des médecins généralistes et spécialistes, les actes de kinésithérapeutes et d’infirmiers libéraux. La méthode permet ensuite de réaliser une typologie des parcours individuels en identifiant, à travers leur diversité, les régularités et les ressemblances afin de construire des classes de « séquences-types ». Nous avons ensuite prolongé ces analyses en recherchant les déterminants des parcours ainsi révélés par l’analyse séquentielle .

2/ Quels types de parcours identifiez-vous grâce aux typologies que vous avez réalisées ?

Nous identifions six à neuf parcours de soins homogènes mais très diversifiés. La rééducation, principale indication à la suite d’un AVC, est loin d’être présente partout en 2012. En effet, moins de trois patients sur dix empruntent des parcours passant majoritairement par une hospitalisation en établissements de SSR, dont 8 % pour des séjours courts de près d’un mois en moyenne sur les trois observés, et 19 % pour des séjours plus longs d’environ 2,5 mois en moyenne. Six patients sur dix empruntent un parcours se déroulant majoritairement à domicile : 19 % bénéficient de rééducation délivrée par des kinésithérapeutes de ville et 6 % de rééducation additionnée de nombreux soins infirmiers, les 36 % restants présentant un faible recours global aux soins de ville.
Malgré les recommandations d’organisation du retour à domicile, leurs premiers contacts avec un médecin généraliste à leur sortie sont très étalés, intervenant en moyenne au-delà de deux semaines mais avec une variabilité importante, allant jusqu’à plus d’un mois en cas de faible recours. Ceci souligne la grande marge de progrès à faire en termes d’organisation du retour à domicile. Par ailleurs, 6 % des patients présentent un parcours marqué par leur décès, le plus souvent au cours du premier mois. Une minorité de patients (3 %) effectuent un parcours majoritairement en structure d’hébergement médico-sociale. Enfin, 3 % des patients empruntent diverses trajectoires hospitalières lourdes, allant des soins aigus à la psychiatrie et aux plus longs en Unités de soins de longue durée (USLD).

3/ Quels sont les principaux facteurs déterminant ces parcours ?

Le type d’AVC mais aussi les autres maladies chroniques potentielles du patient, générateurs de besoins spécifiques, sont les indications médicales qui président à la prescription médicale à la sortie de phase aiguë. De fait, ils jouent ainsi un rôle prépondérant dans les parcours de soins en phase post-aiguë. L’âge en lui-même et le sexe interviennent également, notamment car ils peuvent être liés au statut marital, à la présence ou l’absence d’un entourage aidant. Cependant, l’impact de la situation socio-économique et familiale (aidants, etc.), sans doute aussi déterminante de l’orientation des patients, n’est pas mesurable à partir des seules données du SNDS.
Notre analyse révèle aussi que l’offre de soins joue un rôle notable. Ainsi, les personnes passées en Unités neuro-vasculaires (UNV) durant la phase aiguë bénéficient, toutes choses égales par ailleurs, d’une réduction de la mortalité dans les trois mois suivant la sortie du court séjour. En termes d’aval, tant la densité de lits de SSR que l’accessibilité aux infirmiers influent sur les parcours de soins post-AVC. D’où l’importance des politiques de développement et de déploiement des ressources en équipements et en professionnels de santé pour assurer aux victimes d’AVC l’égalité territoriale des chances du point de vue d’une prise en charge de qualité et d’une récupération optimale.
Les données dont nous disposons nous permettent des analyses jusqu’à vingt-quatre mois après la survenue de l’AVC, avec les détails notamment de la prise en charge en SSR. A terme, nous cumulerons dix cohortes (survenues de primo-AVC de 2010 à 2019), ce qui ouvre de nombreuses perspectives d’analyses supplémentaires, dont celles en termes d’évolution.