3 QUESTIONS À...


1/ Pourquoi focaliser votre étude sur les bénéficiaires de de l'Allocation aux adultes handicapés (AAH) sans complémentaire santé ?

Pour favoriser l'accès aux soins, la politique publique s'appuie de plus en plus sur la couverture complémentaire santé : couverture maladie universelle, aide à la complémentaire santé puis désormais complémentaire santé solidaire, contrats solidaires et responsables, généralisation de la complémentaire santé d'entreprise, et dernière réforme en date, le 100 % santé. Nous travaillons sur l'accès aux soins des personnes handicapées, et particulièrement celles bénéficiant de faibles ressources limitant leur accès aux soins. Dans cette étude, nous cherchons à mieux connaître les caractéristiques des bénéficiaires de l'AAH qui restent pendant cinq ans dans le dispositif, qui ont des dépenses de santé et ne bénéficient jamais d'aucune couverture complémentaire de santé. Ces personnes ne bénéficient pas des réformes de la Complémentaire santé solidaire (CSS) ni du 100 % santé. C'est une population restreinte mais elle est très exposée au risque de reste à charge potentiellement important.

2/ Quelles sont les caractéristiques de cette population ?

Comparée à la population générale des bénéficiaires de l'AAH, cette population sans complémentaire santé est plus masculine (59 % versus 50 %) et plus souvent admise en Affection de longue durée (ALD) (87 % versus 71 %), mais avec des profils de pathologies qui diffèrent peu de ceux des bénéficiaires de l'AAH couverts en 2014. Comme l'ensemble des bénéficiaires de l'AAH, c'est une population relativement jeune qui a 45 ans en moyenne. Elle est exposée à une dépense en ville légèrement plus importante que celle de la population en AAH qui est déjà couverte par une complémentaire santé, en lien avec la proportion plus importante d'ALD parmi les bénéficiaires de l'AAH sans complémentaire. Si la part des personnes hospitalisées est légèrement supérieure chez les bénéficiaires de l'AAH couverts par une complémentaire (30 % versus 25 %), les dépenses sont beaucoup moins importantes chez les non couverts, en particulier en Soins de suite et de réadaptation (SSR).

3/ Qui sont ceux à qui la Complémentaire santé solidaire (CSS) bénéficierait le plus ?

Le bénéfice de la complémentaire santé solidaire serait le plus important pour les personnes fréquemment hospitalisées et qui doivent supporter des montants élevés de restes à charge, principalement explicables par les forfaits hospitaliers. Les durées de séjours pour les hospitalisations en psychiatrie sont particulièrement longues (en moyenne 36 jours par an). Comme la CSS prend en charge les forfaits hospitaliers, mais aussi les tickets modérateurs, on estime que plus de 80 % des personnes concernées par ces hospitalisations obtiendraient un remboursement de la CSS supérieur à la participation financière qu'ils doivent acquitter.
Mais pour la moitié des personnes à l'AAH sans complémentaire santé, compte tenu de la participation financière demandée pour bénéficier de la CSS quand on est titulaire de l'AAH, les remboursements CSS seraient inférieurs au coût et l'intérêt à souscrire n'est donc pas évident. Par exemple, la CSS ne prend pas en charge les dépassements de tarifs pour les dispositifs médicaux en dehors du champ du 100 % santé, alors que les besoins des personnes handicapées sont plus importants qu'en population générale. Les bénéficiaires de l'AAH ne souscrivant pas à la CSS se tournent majoritairement vers des complémentaires santé individuelles plus onéreuses ou restent sans couverture complémentaire et sont confrontés alors à un frein financier pour l'ensemble de leurs soins.