3 QUESTIONS À...


1/ Quels sont les objectifs de ce second Atlas des variations de pratiques médicales, huit ans après la parution du premier en 2016 ?

Le premier Atlas a montré une variabilité significative des pratiques médicales concernant certaines interventions chirurgicales d'un département à l'autre, ce qui pose question en termes de qualité des soins, d'équité d'accès aux soins et d'efficience dans l'allocation des ressources. Depuis 2016, il y a eu des initiatives nationales et locales pour réduire ces variations mais aussi des changements dans l'organisation et le financement des soins hospitaliers. Nous souhaitions offrir une nouvelle photographie et affiner notre analyse des pratiques médicales en France.

Ainsi, ce deuxième Atlas dresse l'état des lieux et suit l'évolution dans le temps - entre 2014 et 2019 - des taux de recours à des interventions déjà étudiées dans le premier Atlas, et à quelques nouvelles. Dans l'optique d'approfondir ce suivi, il propose également de nouveaux indicateurs de processus et de qualité de soins : le taux de chirurgie ambulatoire, l'utilisation des protocoles de Récupération améliorée après chirurgie (Raac) et le taux de réadmission à 30 jours.

La finalité de ces Atlas est de sensibiliser à la fois les professionnels de santé et les acteurs locaux pour les inciter à questionner les pratiques en fonction de critères objectifs, et d'informer les institutionnels et les usagers afin de les acculturer à la notion de variation des pratiques médicales.

2/ Quels sont les principaux résultats présentés dans votre Atlas ?

Premièrement, on note qu'au niveau national, à la fois le taux et les variations concernant certaines interventions étudiées dans le premier Atlas ont été visiblement réduits. C'est le cas notamment de la chirurgie de l'obésité, des amygdalectomies et de l'hystérectomie. En revanche, la variation départementale des taux de chirurgie de la tumeur bénigne de la prostate et de la prothèse du genou a légèrement augmenté. On observe également que l'intervention la plus fréquente au niveau national est, de loin, celle de la chirurgie de la cataracte : 1 374 interventions pour 100 000 habitants (près d'un million de séjours en France), et cette intervention présente la plus grande dispersion par département.

Par ailleurs, les variations départementales concernant les trois indicateurs de qualité et processus de soins montrent que l'expérience des patients et les résultats des soins pour ces interventions courantes varient significativement selon le lieu d'habitation des patients. Par exemple, les taux de réadmissions à 30 jours après une chirurgie bariatrique sont deux fois plus élevés dans le Nord par rapport à la moyenne nationale (7 %) et trois fois plus importants qu'en Moselle ou en Martinique.

On doit toutefois noter que la qualité des soins dans un département varie selon l'intervention étudiée, c'est-à-dire qu'un département qui a un taux de réadmission très élevé pour la chirurgie bariatrique peut avoir une bonne performance pour la prothèse de hanche, avec un taux de réadmission faible ou un taux de Raac élevé.

3/ Quels sont les différents leviers pour réduire les variations et améliorer les pratiques ?

La clé pour réduire les disparités à long terme et améliorer la qualité des soins en France est de questionner les pratiques médicales pour favoriser l'utilisation appropriée des soins et des ressources de santé. Pour cela, un suivi régulier des pratiques, par différents indicateurs et à différentes échelles, est indispensable. Obtenir de l'information sur les variations de pratiques médicales contribue souvent à réduire ces variations.

Par ailleurs, il faut avoir des outils pour aider les professionnels de santé et les patients à la prise de décision dans le choix des soins, pour harmoniser les pratiques, réduire les traitements et actes inutiles ou à risque, et promouvoir les actes pertinents. La Haute Autorité de santé (HAS) qui a été formellement saisie, depuis 2010, du sujet « Pertinence des soins » propose des produits variés, développés avec les professionnels de santé : outils d'amélioration des pratiques professionnelles, guides pour les patients, recommandations de bonnes pratiques, indicateurs de qualité des soins… Il faut appuyer la diffusion de ces outils avec beaucoup de pédagogie.

Plusieurs initiatives nationales ciblent aussi les établissements de santé. Par exemple, depuis 2018, un Contrat d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (Caqes), utilisé par les Agences régionales de santé (ARS), a pour objectif l'amélioration des pratiques en matière de prescriptions médicamenteuses, de pertinence et de sécurité des soins. L'Assurance maladie a par ailleurs développé, depuis 2015, un ciblage des établissements de santé atypiques afin d'identifier les variations de pratiques interdépartementales non expliquées par des indicateurs démographiques ou épidémiologiques, ou par d'autres facteurs liés à l'organisation de l'offre de soins.

Enfin, pour réduire les soins non pertinents, il faut aussi comprendre les déterminants économiques et structurels des variations des pratiques. Assurer un financement « pertinent » à l'hôpital qui intègre la dimension de la qualité des soins, et pas seulement la quantité, peut favoriser la pertinence des soins. Il sera à cet égard intéressant d'évaluer l'impact des mesures de paiement à la qualité annoncées dans la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2024, lorsqu'elles seront mises en œuvre.


Propos recueillis par Anna Marek