3 QUESTIONS À...


1/ Dans quel contexte et dans quel objectif avez-vous réalisé cette comparaison internationale ?

Entre 10 % et 15 % des Européens déclarent des déficiences auditives mais le taux d'équipement de ces personnes est très variable selon les pays : 34 % en Belgique, 37 % en Suède, 46 % en France et 53 % au Royaume-Uni. Cette variation du recours pourrait notamment s'expliquer par des difficultés financières d'accès aux appareils auditifs. Les modes de distribution et les financements des aides auditives diffèrent fortement d'un pays à l'autre, et, jusqu'ici, on connaissait assez mal les financements publics mobilisés pour les financer et les restes à charge supportés par les usagers dans les différents pays européens.
Cette étude a pour objectif de comparer le financement et l'accès aux aides auditives pour un échantillon d'audioprothèses de différentes gammes dans quatre pays européens (France, Belgique, Angleterre et Suède) afin de positionner la France, qui a mis en œuvre récemment la réforme du 100 % santé audiologie.

2/ Quelles sont les principales différences observées en termes d'accès et de financement des aides auditives entre la France, l'Angleterre, la Belgique et la Suède ?

La Belgique se caractérise par un marché privé où de nombreux vendeurs assurent la distribution des aides auditives en fixant librement leurs prix. Des remboursements publics forfaitaires uniquement financés par l'Assurance maladie obligatoire permettent aux usagers de couvrir ou de réduire leur reste à charge.
La distribution des aides auditives est aussi assurée par un marché privé en France. La solvabilisation des aides auditives repose sur un financement combiné de l'Assurance maladie obligatoire et de l'assurance complémentaire, ce qui représente un financement d'un montant total comparable au seul financement de l'assurance maladie belge. La réforme 100 % santé audiologie a scindé le marché en deux. D'un côté, un panier 100 % santé sur lequel des prix limites de vente s'appliquent pour des aides prises en charge intégralement par l'Assurance maladie obligatoire et la complémentaire santé. De l'autre, un panier libre avec des prix libres et une solvabilisation qui repose sur la même prise en charge de l'Assurance maladie obligatoire que dans le cadre du 100 % santé et, au-delà du ticket modérateur, sur le niveau de garantie de la complémentaire santé, variable selon le contrat souscrit.
La Suède et l'Angleterre, dans le cadre de systèmes publics très régulés, permettent l'accès gratuit ou quasi gratuit à une offre plus limitée dans sa diversité et sa qualité. Cette situation peut conduire certains assurés à recourir au marché privé aux prix libres, sans financement public pour l'Angleterre ou avec un financement public très faible : bon d'achat (voucher) dans deux régions très urbanisées Suède (Malmö et Stockholm), et pas de financement public dans le reste du pays.

3/ Comment se situe la France par rapport aux autres pays étudiés, et quels sont les enjeux pour le futur ?

Le panier 100 % santé audiologie français permet aux usagers d'accéder à un panier d'aides auditives plus diversifié que celui pris en charge par les régions suédoises et le système public anglais, et sans file d'attente. Pour les usagers qui disposent d'une complémentaire santé, il y a une vraie amélioration car ils accèdent à des aides auditives sans reste à charge, ce qui n'existait pas avant la réforme. Le taux d'équipement a ainsi augmenté.
Si la Suède, l'Angleterre et la Belgique font le choix d'une solvabilisation des aides par la solidarité nationale, le périmètre de la solidarité du 100 % santé français n'est toutefois pas universel : il est fondé sur le financement par les assureurs privés qui répercutent le coût sur les cotisants, et exclut les personnes sans complémentaire, qui représentent environ 4 % de la population. Quant aux modèles de gammes supérieures, le système public anglais n'en propose aucun tandis que leur disponibilité est réduite dans le circuit public en Suède, et très variable selon les régions. En considérant les marchés privés de chaque pays, la situation française semble la plus favorable car les restes à charge y sont plus faibles que dans les autres pays.
Cependant, plusieurs enjeux pour l'avenir sont identifiés en France : éviter que la « gratuité » pour l'usager n'induise des pratiques commerciales coûteuses pour la collectivité, gérer le panier de soins des aides accessibles sans reste à charge pour intégrer le progrès technique, et, dans le cadre d'un marché de l'assurance complémentaire concurrentiel et s'appuyant pour le marché individuel sur la tarification à l'âge, veiller à ce que les primes d'assurance complémentaire des personnes âgées, dont les besoins en audioprothèses sont nettement supérieurs à ceux des plus jeunes, restent accessibles financièrement.