« MARDIS DE L'IRDES » : HISTORIQUE 2024

Les séminaires « Mardis de l'Irdes » présentent des travaux de recherche finalisés ou en cours.

Ils répondent à deux objectifs :

  • présenter et discuter les travaux effectués par les chercheurs de l'Irdes,
  • valoriser et échanger sur les travaux réalisés par des équipes de recherche extérieures à l'Irdes.

Les « Mardis de l'Irdes » se déroulent deux fois par mois, le mardi à 11h00 à l'Irdes et sont ouverts aux personnes extérieures (chercheurs, administrations, professionnels de santé, etc.).

La durée d'un séminaire est au maximum d'une heure et demie, soit jusqu'à 45 minutes d'exposé et 45 minutes de discussion.







La prescription potentiellement inappropriée de benzodiazépines chez les seniors : l'impact des Ehpad

Présentation : Penneau A. (Irdes)
Discussion : Perdrix E. (Université Paris-Dauphine)

Jeudi 28 mars 2024

Contexte : La prescription prolongée de benzodiazépines est liée à des effets indésirables bien documentés, tels que la toxicomanie, des troubles de la mémoire, ou encore des chutes, notamment chez les personnes âgées. Dans les Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les médicaments sont généralement prescrits par des médecins libéraux, en cabinet ou à l'hôpital. Pourtant, la qualité de la prescription médicamenteuse pourrait être influencée par divers facteurs institutionnels, tels que la composition et la formation du personnel et leur coordination avec les médecins de ville et des hôpitaux.

Objectif : Cette étude évalue l'impact du fait de séjourner en Ehpad plutôt qu'en ville sur les prescriptions de benzodiazépines chroniques ou de longues durées d'action, en comparant les prescriptions des résidents avant et après leur entrée dans ces établissements.

Méthode : Nous identifions, dans la base de données Resid-Ehpad, 5 824 Ehpad dans lesquels 444 462 nouveaux résidents ont été admis entre 2016 et 2018. L'appariement avec les données du Système national des données de santé (SNDS) de 2014 à 2019 nous permet d'étudier l'évolution des prescriptions avant et après l'entrée en Ehpad. Afin d'isoler l'impact des Ehpad sur ces prescriptions, nous contrôlons des caractéristiques individuelles (âge, sexe, nombre de maladies chroniques, historique de parcours de soins). Nous introduisons également un effet fixe du médecin prescripteur principal pour contrôler du changement de prescripteur et utilisons un instrument tirant parti des variabilités d'accessibilité géographique aux Ehpad dans les communes de résidence des personnes âgées avant leur admission.

Résultats : Nos résultats montrent un niveau de prescription chronique plus élevé après l'entrée en Ehpad, qui s'explique par le maintien de ces prescriptions initiées au moment de l'entrée dans l'établissement et qui sont très peu dé-prescrites. Nous montrons également que les établissements plus médicalisés, en particulier ceux ayant une proportion plus élevée d'infirmiers parmi le personnel soignant, ont moins de prescription de benzodiazépines que les autres établissements.

Conclusion : Ces résultats suggèrent qu'un renforcement de l'expertise médicale dans les Ehpad, associé à une réévaluation médicamenteuse à l'admission, pourrait améliorer significativement la qualité des prescriptions médicamenteuses des résidents.


Origine géographique des étudiants en médecine : un levier pour attirer des médecins en zones rurales ?

Présentation : Dumontet M. (Université Nanterre, EconomiX) et Chevillard G. (Irdes)
Discussion : Dormont B. (Université Paris-Dauphine)

Mardi 12 mars 2024

Contexte : En France, comme dans de nombreux pays, les médecins sont mal répartis sur le territoire. Des mesures ont été déployées pour attirer et maintenir les médecins dans les zones déficitaires via des incitations financières ou l'amélioration des conditions d'exercice. En revanche, très peu de réponses concernent la formation des médecins. Notre objectif ici est de documenter les déterminants des préférences des étudiants en médecine en matière de lieu d'exercice avant de choisir leur spécialité et leur lieu de formation de 3e cycle. Nous supposons que des facteurs personnels influenceront ces choix et que certains d'entre eux peuvent être traités par les autorités publiques pour reconsidérer la formation médicale.

Matériel : Nous avons envoyé une enquête à 83,7 % des étudiants en médecine de 6e année qui ont passé les Epreuves classantes nationales (ECN) en 2022. 3 525 réponses ont été reçues, soit un taux de réponse de 43 % sur les 8 039 étudiants contactés.

Méthodes : Notre variable de résultat est une variable catégorielle non ordonnée indiquant le type de lieu d'exercice souhaité des étudiants en médecine affectés à une spécialité (zones rurales et suburbaines, grandes villes, autres villes et "Je ne sais pas") et ceux affectés à la médecine générale (zones urbaines, suburbaines ou rurales ou "Je ne sais pas"). En utilisant un modèle logit multinomial, nous estimons la probabilité d'indiquer un choix de lieu d'exercice préféré 1 pour 8 groupes de zones de pratique préférées. Notre principale variable d'intérêt est l'origine géographique.

Résultats : Les étudiants en médecine affectés à une spécialité médicale sont significativement moins susceptibles d'être originaires d'une région rurale par rapport à ceux affectés à la médecine générale. En revanche, une proportion plus élevée de ceux affectés à une autre spécialité médicale ont passé leur enfance dans de grandes villes. En ce qui concerne les variables comportementales et les traits de personnalité, nous constatons que les étudiants en médecine affectés à la médecine générale sont significativement plus averses au risque que ceux affectés à une autre spécialité médicale. Les résultats économétriques montrent que les origines géographiques jouent un rôle significatif dans le type de lieu d'exercice souhaité. Par exemple, comparativement aux étudiants qui ont vécu dans de grandes villes, les étudiants qui ont vécu dans des zones rurales ont une probabilité de 13 points plus élevée d'indiquer le désir de pratiquer dans une zone rurale lorsqu'ils sont affectés à la médecine générale et une probabilité de 7,2 points plus élevée d'indiquer une zone rurale ou périurbaine lorsqu'ils sont affectés à une spécialité.

Conclusion : Nos résultats suggèrent que le recrutement d'étudiants ayant divers profils géographiques et sociaux peut conduire à une répartition géographique plus harmonieuse. Il semble donc intéressant de remettre en question la manière dont les étudiants sont sélectionnés afin de diversifier leurs profils géographiques et sociaux.


Comparaison des dépenses de santé en France et en Allemagne : quelles leçons pour la France ?

Présentation : Or Z. (Irdes) et Minery S. (Irdes)
Discussion : Milstein R. (OCDE)

Mardi 27 février 2024

L'Allemagne est le berceau de l'assurance maladie sociale, le premier régime d'assurance maladie, introduit par le chancelier allemand Otto von Bismarck à la fin du 19e siècle. Si la France s'est inspirée du modèle allemand pour introduire la Sécurité sociale, les systèmes de santé ont évolué différemment dans les deux pays. Le modèle allemand est caractérisé, d'une part, par la coexistence de l'assurance maladie publique et de l'assurance maladie privée substitutive, qui fournissent ensemble une couverture universelle, et d'autre part, par une gouvernance segmentée et décentralisée, donnant un pouvoir de décision important aux organismes corporatistes : associations de caisses d'assurance maladie, d'hôpitaux, de médecins, de psychothérapeutes et de dentistes.

Les dépenses de santé en Allemagne sont les plus élevées au monde derrière les Etats-Unis : 12,7 % du PIB en 2022, suivis par la France (12,1 %). Par habitant, l'Allemagne dépense environ 20 % de plus en santé que la France. Ces dépenses élevées en Allemagne s'expliquent par un volume d'activité important aussi bien en ville qu'à l'hôpital, ainsi que par des mécanismes de financement généreux et conservateurs assurés par les organismes corporatistes.

Dans ce contexte, que peut-on apprendre de l'Allemagne pour améliorer la gestion des dépenses de santé en France ? Cette présentation revient sur les principales conclusions d'une étude comparative des dépenses de santé en France et en Allemagne, évaluant les mécanismes et les politiques clés qui définissent et régulent les volumes et les prix des soins de santé dans les deux pays.


La réforme des Groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le décréter, c'est s'intégrer ?

Présentation : Sirven N. (Université de Rennes, EHESP, CNRS, Inserm, Arènes, UMR 6051, RSMS-U 1309 ; Irdes)
Discussion : Cassou M. (Irdes)

Mardi 6 février 2024

La réforme des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) de 2016 en France a imposé l'intégration territoriale des hôpitaux publics. Bien que sans personnalité juridique propre, l'intégration verticale en GHT repose sur l'instauration de contraintes pour limiter les problèmes d'agence. Or, ces contraintes sont relativement souples et surtout, aucun mécanisme incitatif n'a été mis en place pour encourager l'adoption de comportements coopératifs. Selon la théorie de l'agence, notre hypothèse principale suggère que l'introduction de contraintes seules n'a pas permis d'atteindre des objectifs de coordination des soins entre établissements publics. Dans un cadre de différences-de-différences sur des données hospitalières de 2013 à 2019, nous avons mesuré l'intensité des collaborations entre établissements par le biais des transferts de patients entre hôpitaux publics du même GHT. Nous trouvons des résultats hétérogènes suivant le statut des établissements. D'une part la réforme a augmenté significativement les transferts pour les hôpitaux de proximité. D'autre part, la plus grande part des hôpitaux publics n'a pas enregistré d'effet significatif. L'hypothèse alternative d'une spécialisation des établissements au sein des GHT est testée, sans qu'une tendance générale forte puisse être dégagée. La réforme interroge l'efficacité des obligations contractuelles sans mécanismes incitatifs pour améliorer la coordination des soins entre les acteurs.


Les aidants améliorent-ils la qualité de prescription des médicaments des personnes âgées atteintes de démence ?

Présentation : Pichetti S., Perronnin M., Penneau A. (Irdes)
Discussion : Chauvin P. (Liraes, Université Paris Cité)

Mardi 30 janvier 2024

Contexte : L'amélioration de la qualité des prescriptions médicamenteuses pour les personnes âgées atteintes de démence représente un défi majeur car les risques d'iatrogénie liés à des prescriptions inappropriées peuvent entraîner des conséquences particulièrement graves pour ces personnes âgées fragiles. Les aidants familiaux, souvent impliqués dans la coordination des soins avec les professionnels de santé, peuvent avoir un impact encore plus important sur les prescriptions lorsqu'ils aident leurs proches à domicile. Ils organisent des consultations pour eux et facilitent le dialogue entre les personnes âgées et les médecins pendant la consultation (Gillepsie et al., 2013). Ils signalent également aux médecins les effets inattendus et indésirables du traitement (Smith et al., 2015) et peuvent rechercher des informations sur les traitements nouvellement prescrits (Aston et al., 2017). Le niveau de formation des aidants professionnels, en particulier le fait qu'ils aient reçu une formation en matière de santé, exerce également une forte influence sur le rôle de l'éducation et du soutien aux familles (Dreier et al., 2016 ; Backhaus et al., 2017 ; Attard et al., 2020).
Cet article analyse conjointement l'impact des aidants familiaux et professionnels sur la qualité de la prescription mesurée par huit indicateurs de prescriptions potentiellement inappropriées pour une population de personnes âgées atteintes de démence.

Données et méthodes : Cette étude est basée sur les données de l'enquête Capacités, aides et ressources des seniors (Care) en ménages (2015). Huit indicateurs de prescriptions potentiellement inappropriées ont été calculés pour chacune des 1 992 personnes âgées de 60 ans et plus atteintes de démence faisant partie de l'échantillon. Les personnes âgées ont été classées dans des catégories homogènes de degré de gravité de leur démence. L'information sur l'aide demandée par les seniors distingue deux catégories, celle de l'aide pour accomplir des tâches médicales (gestion de la prise de médicaments, prise de rendez-vous) et l'aide pour réaliser les autres activités de la vie quotidienne. En utilisant cette information, nous caractérisons l'aide familiale et l'aide professionnelle disponibles pour chaque personne âgée.
Notre objectif est d'estimer l'effet des aidants familiaux et professionnels sur le fait d'avoir des prescriptions potentiellement inappropriées. Or, l'aide familiale et l'aide professionnelle sont potentiellement endogènes car elles dépendent de l'état de santé qui influence la consommation de médicaments. Dans ce contexte, nous introduisons des variables instrumentales dans des probits multivariés. Nous estimons le modèle par maximum de vraisemblance simulée.

Résultats : 50 % des personnes âgées démentes à domicile ont au moins une prescription potentiellement inappropriée.
L'aide familiale pour les tâches médicales n'a pas d'effet significatif sur les prescriptions potentiellement inappropriées, de même que l'aide professionnelle pour les tâches médicales n'a pas d'effet non plus.
Les effets de l'aide familiale pour les tâches non médicales ne sont pas significatifs pour tous les indicateurs. Les effets de l'aide professionnelle pour les tâches non médicales sont positifs et significatifs pour la probabilité d'avoir au moins une prescription inappropriée (+29 points de pourcentage, valeur p = 0,004) sur la probabilité d'avoir des prescriptions inappropriées pour des troubles mentaux (+35,7 points de pourcentage, valeur p <0,001), alors qu'ils restent faibles et non significatifs pour la probabilité d'avoir des prescriptions inappropriées pour des troubles non mentaux.
Compte tenu du niveau élevé de prescriptions potentiellement inappropriées en France, nos résultats incitent à améliorer la formation initiale et continue des aidants professionnels et à trouver de nouveaux modes de coordination et de gestion des soins médicaux pour les personnes âgées atteintes de démence en France.