DOCUMENTS DE TRAVAIL : 2021

Série de pré-articles scientifiques, en anglais ou en français, les Documents de travail présentent à la discussion un état de la réflexion sur une problématique de recherche. Ils sont soumis à parution dans des revues à comité de lecture.

Toutes les éditions de l'Irdes suivent un processus de validation. Elles sont relues par des chercheurs et des spécialistes des sujets traités (institutionnels et acteurs de terrain). Présentées lors de séminaires et colloques de recherche français et internationaux, elles sont discutées pour être enrichies.

Les Questions d'économie de la santé font l'objet d'une présentation systématique lors du séminaire interne pouvant réunir tous ces acteurs : les « Mardis de l'Irdes ».

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DOCUMENTS DE TRAVAIL : 2021


DT n° 85
2021/09



Impact de la concurrence sur la qualité des soins hospitaliers : l'exemple de la chirurgie du cancer du sein en France
Or Z. (Irdes), Touré M. (Irdes), Rococo E. (Union diaconale du Var, Isped), Bonastre J. (Institut Gustave Roussy, Inserm-CESP)

Les conséquences de la concurrence entre les hôpitaux sur la qualité des soins font débat. D'une part, la théorie économique suggère que lorsque les prix sont réglementés, la qualité des soins augmente dans les marchés compétitifs. A l'inverse, les économies d'échelle et l'existence d'une relation positive entre le volume d'activité et la qualité des soins plaident en faveur de la concentration de l'offre de soins hospitaliers.
En utilisant des données individuelles du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) sur deux années (2005 et 2012), nous suivons l'évolution de la concurrence entre les hôpitaux pratiquant la chirurgie du cancer du sein en France. Nous utilisons la pratique de deux techniques chirurgicales innovantes comme une mesure de la qualité des soins : la Reconstruction mammaire immédiate (RMI) après une mastectomie et la technique du Ganglion sentinelle (GS). Nous calculons un indice de concurrence de Herfindahl-Hirschmann à partir des flux théoriques de patients estimés par un modèle logit multinomial de choix hospitalier qui permet de s'affranchir du biais d'endogénéité. Nous estimons ensuite le lien entre le niveau de concurrence dans le marché hospitalier et la probabilité de bénéficier d'une RMI ou de la technique du GS au moyen de modèles multiniveaux prenant en compte à la fois les caractéristiques observables des patientes et des hôpitaux.
La probabilité de bénéficier de ces interventions chirurgicales (respectivement RMI et GS) est significativement plus élevée dans les hôpitaux opérant sur des marchés plus compétitifs. Néanmoins, le volume d'activité en chirurgie du cancer du sein est positivement associé à la qualité. Les bénéfices de la concurrence sont sensibles aux estimations de l'impact du volume sur les processus de soins. En France, la politique de concentration de l'offre hospitalière, avec l'application de seuils minimaux d'activité pour autoriser les établissements à pratiquer certaines chirurgies du cancer, a contribué à l'amélioration du traitement du cancer du sein entre 2005 et 2012.
Trouver un juste niveau de concentration de l'offre de soins hospitaliers n'est pas simple. Au travers de l'exemple de la chirurgie du cancer du sein, nos résultats montrent que, dans les marchés monopolistiques où il n'y a pas d'autre choix pour les patientes, les hôpitaux sont moins enclins à l'innovation. A contrario, une forte concurrence, avec de nombreux hôpitaux ayant des volumes d'activité très faibles, n'est pas non plus optimale car la qualité des soins est positivement liée au volume d'activité.



DT n° 84
2021/06



Revenu et activité des médecins généralistes : impact de l'exercice en regroupement pluriprofessionnel en France
Cassou M. (CESP-Inserm U1018, Drees, Irdes), Mousquès J. (Irdes), Franc C. (CESP, Inserm U1018, Irdes)

La France a d'abord expérimenté en 2009, puis généralisé, un paiement à la coordination au niveau de la structure pour promouvoir les regroupements pluriprofessionnels en Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP). L'exercice en équipe vise à améliorer à la fois l'efficacité de l'offre de soins ambulatoires et l'attractivité pour les professionnels de santé, notamment dans les territoires médicalement défavorisés.
Afin d'évaluer l'attractivité financière, et donc la pérennité des MSP, nous avons analysé l'évolution des revenus (revenus libéraux et salariés) des médecins généralistes (MG) exerçant en MSP par rapport à ceux des autres MG. Nous avons également étudié les impacts de l'exercice en MSP sur l'activité des MG, en termes de quantité de services médicaux fournis et de nombre de patients rencontrés.
Nous avons tenu compte des biais de sélection en MSP en nous fondant, à partir de données de panel sur la période 2008-2014, sur un design quasi-expérimental associant : 1) la constitution d'un groupe de MG témoins afin d'équilibrer la répartition des médecins généralistes, à partir d'un appariement exact (coarsened exact matching, CEM) ; 2) des analyses paramétriques en type différence de différences avec effets fixes (individuels et temporels) pour tenir compte de l'hétérogénéité non observée. Nous montrons que les MG ayant choisi d'exercer dans une MSP au cours de la période ont vu leurs revenus augmenter de 2,5 % de plus que les autres MG ; le nombre de patients rencontrés par les MG (88 de plus) a davantage augmenté sans entraîner une augmentation plus importante des actes fournis. Une analyse transversale complémentaire pour l'année 2014 a montré que ces changements n'avaient pas d'impact négatif sur la qualité au sens de la Rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp). Par conséquent, nos résultats suggèrent que les préférences en termes d'activité et de revenu ne devraient pas constituer un obstacle au développement des MSP et que l'exercice en MSP pourrait améliorer l'accès des patients aux services de soins de premier recours.



DT n° 83
2021/02



France's Response to the Covid-19 Pandemic: between a Rock and a Hard Place
Or Z. (IRDES), Gandré C. (IRDES), Durand-Zaleski I. (AP-HP URC Eco, Santé Publique Hôpital Henri Mondor), Steffen M. (PACTE, Université Grenoble-Alpes, Sciences Po Grenoble, CNRS)

France is one of the European countries hardest hit by the Covid-19 pandemic. The pandemic brought into light structural weaknesses of the health system, including its governance and decision making process, but also provoked changes that helped to improve its resilience. We analyse the French experience of Covid-19 in 2020 by critically reviewing major policy measures implemented during the first two waves of the pandemic. France has struggled to find the right balance between the rock of economic and social damage caused by containment measures and the hard alternative of a rapidly spreading pandemic. The response to the first wave, including a full lockdown, was an emergency response that revealed the low level of preparedness for pandemics and the overly hospital-centred provision of health care in France. During the second wave, this response evolved into a more level strategy trying to reconcile health needs in a broader perspective integrating socio-economic considerations, but without fully managing to put in place an effective health strategy. We conclude that to achieve the right balance, France will have to strengthen health system capacity and improve the cooperation between actors at central and local levels with greater participatory decision-making that takes into account local-level realities and the diversity of needs.

La réponse française à la pandémie de Covid-19 :une stratégie prise entre le marteau et l'enclume
La France a été l'un des pays d'Europe les plus touchés par la pandémie de Covid-19. Cette pandémie a fait ressortir les faiblesses structurelles du système de santé, notamment en termes de gouvernance et de prise de décision en santé, mais a également entrainé des changements qui ont conduit à améliorer la résilience du système. Nous synthétisons l'expérience française de la Covid-19 en 2020 en proposant une analyse critique des principales réponses politiques mises en œuvre au cours des deux premières vagues de la pandémie. La France a eu des difficultés à trouver le juste équilibre entre des mesures avec de fortes conséquences économiques et sociales et la difficile alternative d'une propagation rapide du virus sur son territoire. La réaction à la première vague, incluant l'un des confinements généralisés les plus stricts d'Europe, a été mise en œuvre dans l'urgence et a révélé l'impréparation face au risque pandémique et une réponse sanitaire fortement centrée sur l'hôpital. Au cours de la seconde vague, la stratégie privilégiée a davantage visé à considérer les besoins de santé dans une perspective plus large en intégrant les considérations socio-économiques, sans pour autant réussir à mettre en place une réponse sanitaire totalement efficace. Nous concluons que, pour trouver le bon équilibre, la France doit renforcer la résilience de son système de santé en améliorant la coopération entre les différents professionnels et acteurs de santé nationaux et locaux, notamment en soutenant davantage la prise de décision participative afin de mieux tenir compte des réalités locales et de la diversité des besoins.